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la même forme ; la mélodie seulement les distingue. Or, comme le rhythme général frappe par son allure franche et décidée en même temps que le motif particulier, il n’est pas étonnant que des gens de peu d’expérience confondent ensemble les deux choses, et disent : Tel menuet ressemble à tel autre, lorsque les deux menuets n’ont de commun entre eux que la forme qui appartient à tous. Que M. Meyerbeer ne se mette pas en peine, quand d’autres viendraient réclamer la mélodie de ce riche morceau, ce qui certes est bien loin de pouvoir advenir ; il lui resterait toujours l’honneur d’en avoir inventé le caractère, et d’avoir déposé sous un tissu frivole une pensée haute et solennelle.

J’arrive au trio final. Pour quiconque a eu l’occasion d’étudier la nature inquiète de M. Meyerbeer, d’analyser les nobles ambitions qui le travaillent incessamment, il était facile de prévoir qu’il ne s’en tiendrait pas au succès du magnifique trio de Robert-le-Diable, et tenterait un jour le public par quelque nouvelle épreuve. Il y a chez les poètes, à côté des qualités énergiques indispensables à la création, de curieuses faiblesses, qui charment par leur naïveté. Ils ne savent pas se contenter d’un succès ; il leur en faut deux et trois du même genre. C’est une sorte de défi qu’ils portent à leur vaillance ; ils luttent avec eux-mêmes et cherchent à étouffer leur gloire passée sous leur gloire présente. Étrange ambition de l’homme, qui flétrit ses jouissances les plus pures en les renouvelant, et détruit l’empreinte tracée sur le sable en y voulant poser deux fois le pied !! Cependant ce trio, moins riche de mélodie que celui de Robert-le-Diable, moins fécond en ressources instrumentales, n’en a pas moins des qualité éminentes, qui le rendent en tout point digne de son auteur. — Les calvinistes se sont réfugiés dans le prêche, Valentine et Raoul demandent à Marcel sa bénédiction ; le vieux serviteur leur impose les mains, et comme les deux époux entonnent l’hymne des fiançailles, les catholiques surviennent. — Soit la faute du maître, moins bien inspiré cette fois, soit la faute de l’instrument nasillard et désagréable qu’il s’est cru obligé d’employer, sans doute par cette raison toute simple que nul avant lui ne s’en était servi, le trio commence d’une assez triste manière. Les paroles de Marcel et les réponses languissantes des deux époux jettent une monotonie insupportable sur l’introduction. La phrase que chante Marcel dans son extase apocalyptique, a plus de véhémence et d’entraînement