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POÈTES ET MUSICIENS ALLEMANDS.

M. Meyerbeer a-t-il consenti à refaire ce que tant d’autres ont fait avant lui ? Comment ne s’est-il point appliqué à donner une physionomie originale à son page, cousin de tous les pages de comédie, excepté pourtant du Chérubin de Mozart ?

Le troisième acte est livré tout entier aux masses chorales. Les protestans chantent et boivent ; les catholiques surviennent ; on se heurte, on se querelle, on se bat. Du choc des catholiques et des protestans naissent des chœurs sans nombre, conduits par le musicien avec une habileté merveilleuse. Malheureusement toutes ces choses s’accomplissent aux dépens de la mélodie, et sans le beau duo entre Valentine et Marcel, qui semble placé là tout exprès pour que l’esprit puisse se reposer un moment et prendre haleine au milieu de tant de combinaisons laborieuses ; sans ce beau duo, cet acte, du commencement à la fin, ne serait qu’un vaste chœur tantôt développé avec magnificence, tantôt embrouillé d’une étrange façon, presque toujours tumultueux et bruyant. De pareils moyens peuvent obtenir un grand succès aux premiers jours ; mais ils nous semblent, à nous, complètement en dehors du domaine de l’art. C’est quelque chose de fort beau sans doute que cela, mais il faut le dire aussi, ce n’est point de la musique : la musique n’a que faire de ces bruits de marchés, de ces ignobles querelles d’hommes avinés, qui se disputent des brocs à coups de poings. S’il lui arrive un moment de grouper toutes ces voix ensemble, c’est pure fantaisie de sa part. Attendez, et vous la verrez bientôt retourner dans son sanctuaire glorieux : l’ame humaine dont elle a pour but d’exprimer les émotions intimes et simples. Vouloir prolonger un chœur outre mesure, c’est manquer non-seulement de tact, mais de sens commun. Qu’est donc, s’il vous plaît, un chœur ? sinon un sentiment unanime exprimé par cent voix ? Or, l’expression d’un sentiment ne peut survivre au sentiment lui-même, et lorsque par hasard, il arrive à cent hommes rassemblés d’être du même avis, je vous laisse à penser si cela dure bien long-temps ! Le chœur de Weber dans Euryanthe et Freyschütz, de Beethoven dans Fidelio, est unanime, c’est-à-dire que toutes les voix chantent les mêmes vœux, les mêmes désirs, la même volonté. Un sentiment commun à tous, retenu long-temps au fond des cœurs, se fait jour, éclate par les voix, et se répand en harmonies puissantes. Le chœur de Beethoven et de Weber est un