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POÈTES ET MUSICIENS ALLEMANDS.

des parfums de l’encensoir et des cantiques. L’adolescent, mêlé aux rumeurs des hommes, a gardé parmi ses cheveux blonds une auréole ineffaçable qui lui vient de l’attouchement sacré des papes. Aujourd’hui qu’il est libre, s’il a des hommages à rendre, c’est à l’église catholique, sa seule mère, qu’il doit les porter. Tout autre culte serait ingratitude et sacrilége. En effet, il ne peut venir à l’esprit que l’art oublie jamais celle qui l’a toujours si abondamment nourri, même aux heures de dénuement et de misère, pour l’église protestante, cette femme stérile qui, dans le temps le plus glorieux de sa vie, n’a jamais pu tirer une seule goutte de lait de ses mamelles de pierre.

Un des grands mérites de M. Meyerbeer, c’est sa manière vraiment remarquable de traiter l’instrumentation. Au moins son orchestre à lui ne s’alimente pas seulement de ressources scolastiques et de formules puériles ; le tissu de son harmonie est toujours solide, ferme et étroitement serré, sans jamais manquer pour cela de souplesse ou de transparence ; aussi, pour apprécier cette étoffe de luxe, les yeux de l’intelligence valent mieux que toutes les lunettes des professeurs du Conservatoire. On sent dans cet orchestre se mouvoir quelque chose de plus vivant que la science, et qui ressemble bien à de l’inspiration. La preuve, c’est que la plupart du temps on ne peut en prévoir les effets ni les analyser, ce qui se pratique à propos d’un nombre infini de compositions médiocres. La science reprendrait tous ses fils que le tissu n’en serait pas réduit à néant pour cela. Il n’est pas rare de rencontrer des gens qui professent un solennel mépris pour toutes les choses de l’instrumentation et de l’orchestre, et prétendent que ces richesses là s’acquièrent dans les écoles à force de travail et de persévérance. Cette opinion, fausse d’ailleurs, a cependant pour elle certaines apparences de vérité ; en effet, tout homme laborieux et capable doit, dans un temps donné, parvenir à traiter l’harmonie avec succès et selon toutes les règles de la scolastique. Mais, de cette tradition froide qui vous met en état de composer d’une façon irréprochable, à l’invention des formules, à l’accouplement des voix, à l’animation du grand tout, au spiritus enfin ; il y a loin, bien loin. Il suffit de comparer le style imposant et grandiose du cinquième acte de Robert-le-Diable, le style serré, âpre et fort dans lequel est écrite toute la partition des Hu-