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« Moi-même j’ai beaucoup d’expérience des réformateurs, et les mensonges que plusieurs membres de cette sainte confrérie ont fait et font journellement sur mon compte, ne sont ni petits, ni en petite quantité. Plusieurs ont dit que pendant que j’étais lord chancelier, je faisais, dans ma propre maison, appliquer la torture aux hérétiques que j’interrogeais, et que quelques-uns avaient été attachés à un arbre dans mon jardin et fouettés sans pitié[1]. Que ne pourraient dire après cela ces confrères, puisqu’ils ont perdu la honte jusqu’à mentir ainsi ? Car, en toute vérité, quoique pour un vol considérable, pour un assassinat, pour un sacrilége dans une église, accompagné de vol des vases sacrés, ou pour le crime d’avoir jeté ces vases avec mépris, j’aie pu faire fouetter certains criminels par les officiers de la prison ; quoique en agissant ainsi, et par des peines si méritées, dont aucune d’ailleurs ne leur faisait assez de mal pour laisser de traces, j’aie pu découvrir et réprimer plusieurs de ces désespérés malheureux (desperate wretches) qui autrement se seraient répandus dans le monde, et y auraient fait beaucoup plus de mal aux honnêtes gens que je ne leur en ai fait à eux ; quoique encore une fois j’aie traité de cette sorte des assassins et des voleurs sacrilèges, et quoique les hérétiques soient pires que tous ces gens-là, je n’ai jamais fait subir aucun traitement de ce genre à aucun d’eux, dans toute ma vie, excepté de les tenir bien enfermés - sauf à deux pourtant, dont l’un était un enfant, et l’un de mes domestiques, attaché à ma propre maison, et que son père, avant de le mettre chez moi, avait nourri dans les nouvelles doctrines, et fait entrer au service de George Jaye, prêtre, qui, malgré ce caractère, s’est marié à Anvers, et a reçu chez lui les deux religieuses enlevées à leur couvent par John Byrt, dit Adrien, lequel en fit des filles de plaisir.

« Ce George Jaye apprit à l’enfant sa détestable hérésie contre le saint sacrement de l’autel, hérésie que l’enfant, étant entré à mon service, transmit à un autre enfant qui dénonça la chose. Quand

    piquant, soit en coupant les phrases, soit en les variant, sans toutefois sortir du sens, j’ai cru devoir l’employer plus utilement à en reproduire, avec toute la clarté possible, les longueurs, les accumulations et les embarras. C’est que ce morceau, écrit par Morus deux ans avant sa mort, a en quelque sorte l’autorité d’un testament. Je devais en garder religieusement la forme, d’ailleurs si semblable, sauf la différence des deux langues, à celle de nos écrivains du xvie siècle.

  1. Ceci détruit l’assertion de Burnet, répétée par Hume et exagérée par Voltaire.