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JOCELYN.

rentré de bonne heure au nid natal ; soit qu’un matin, visité par de chers amis, dans un cottage encore, et s’étant foulé, je crois, le pied, sans pouvoir sortir avec eux, du fond de son bosquet de tilleul où il est retenu prisonnier, il fasse en idée l’excursion champêtre, accompagne de ses rêves aimables Charles surtout, l’ami préféré, et se félicite devant Dieu d’être ainsi privé d’un bien promis, puisque l’ame y gagne à s’élever et qu’elle contemple ; soit enfin que, dans son verger toujours, une nuit d’avril, entre un ami et une femme qu’il appelle notre sœur, il écoute le rossignol et le proclame le plus gai chanteur, et raconte comme quoi il sait près d’un château inhabité un bosquet sauvage tout peuplé de rossignols chantant à volée, en chœur, et entrevus dans le feuillage sous la lune, au milieu des vers luisans : Oh ! quand son enfant sera d’âge, nous dit-il en finissant, son cher petit bégayant encore, et qui sait déjà reconnaître l’étoile du soir, comme il le réjouira avec de tels sons ! comme il l’habituera à associer l’idée de joie à l’image de la nuit ! comme il veut lui donner en toutes choses, pour compagne de jeux, la nature ! On voit, par ces traits imparfaits, quelles doivent être chez Coleridge la curiosité brillante, l’étincelle perpétuelle du détail, et en même temps l’élévation et la spiritualité des sentimens. Il y a en lui une irrésistible sympathie par tous les points avec la Vie universelle, et il cherche ensuite à réprimer cette expansion, à la ramener dans un ordre régulier de foi ; il y a en lui, si je l’ose dire, du boudhiste qui tâche d’être méthodiste. Cette lutte et ce contraste ont un grand charme ; et le petit nombre de Poèmes méditatifs dont je parle n’ont pas été assez distingués et loués comme des exemples excellens, selon moi, d’un genre si précieux de poésie. Dans le Jocelyn de Lamartine, l’admirable apostrophe :


Ô mon chien ! Dieu sait seul la distance entre nous,
Seul il sait quel degré de l’échelle de l’être
Sépare ton instinct de l’instinct de ton maître, etc., etc.,


rentre, à quelques égards, dans l’universalisme idéaliste de Coleridge. Mais là encore, comme partout, Lamartine n’a pas de détour, de retour compliqué, de subtilité métaphysique ou de res-