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THOMAS MORUS.

passe ses mille compagnons par la hauteur de sa taille, et semble avoir une force digne de son auguste corps. Ce prince n’est pas moins agile de la main que courageux du cœur, soit qu’il s’agisse de combattre à l’épée, soit qu’il faille courir avidement contre la lance tendue en avant ou faire voler une flèche contre un but. Le feu brille dans ses regards, Vénus se montre sur son visage, ses joues sont colorées de l’incarnat des roses. Cette figure, où la force le dispute à la grace, tient de la jeune fille et de l’homme fait. Tel était Achille lorsqu’il se cacha sous les vêtemens d’une nymphe ; tel lorsqu’il traîna derrière son char le cadavre d’Hector. »

Tout cela était rigoureusement vrai. La beauté de Henry viii était célèbre en Europe. Les ambassadeurs en parlaient dans leurs dépêches. Dix ans après, on mettait encore Henry viii, alors âgé de vingt-neuf ans, fort au-dessus de François Ier, comme roi de belle mine, quoique François Ier eût de plus que Henry viii, alors écrivain en société de livres de théologie, un remarquable instinct du mouvement littéraire de son époque, et des batailles gagnées, non dans les tournois, mais dans les plaines d’Italie. Le poète ne flattait donc pas le portrait des qualités physiques de Henry viii ; peut-être, avec des yeux plus exercés ou plus défians, eût-il remarqué avec quelque inquiétude cet œil à la fois impérieux et flatteur, et surtout ce bas de visage si lourd, si épais, si brutal, que lui prêtent les portraits d’Holbein, et qui font haïr sa figure comme le miroir le plus exact de tous les vices hypocrites de ce prince. Mais ce n’est pas dans les jours d’espérance qu’on songe à regarder les rois de si près ; outre que la physiognomonie n’était ni une science ni une mode en 1519.

Le portrait moral de Henry viii était moins facile à faire. Comme homme de gouvernement, il avait été trop effacé sous le feu roi, pour mériter plus que des espérances. Comme homme de guerre, toutes ses campagnes avaient été des lances brisées dans les tournois ou des flèches envoyées au but. Cependant il fallait le louer par le côté moral. On va voir combien les règnes démentent les illusions des avénemens.

« Quelle maturité de prudence, s’écrie-t-il ; quel calme dans cette ame paisible ! De quel cœur il supportera tout à la fois et modérera l’une et l’autre fortune ! Quel soin de sa chasteté ! quel trésor de clémence il garde dans son tranquille cœur ! Quel éloignement pour le