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THOMAS MORUS.

de payer dans les deux cas, elles doivent mieux aimer celui qui rend une partie de ce qu’il prend que celui qui garde le tout.

Le mariage de Henry viii avec Catherine d’Aragon, veuve de son frère le prince Arthur, avait été l’objet de discussions dans le conseil du nouveau roi. Le règne commençait par un genre d’affaire qui devait en ensanglanter la seconde moitié, par une affaire de mariage. Henry aimait sa belle-sœur ; il trouva des conseillers pour approuver son union avec elle, des casuistes pour la déclarer légitime selon les lois divines, et un pape qui n’avait rien à refuser à la maison d’Espagne, d’où sortait Catherine, pour donner la dispense exigée par l’église. La virginité de la jeune reine fut solennellement vérifiée et jurée par des matrones. On la maria avec les cérémonies en usage aux noces des vierges, en longue robe blanche et les cheveux épars[1]. Sur tout le chemin, de Westminster au palais du roi, les acclamations populaires accueillirent ces deux amans couronnés qui allaient être heureux comme de simples mortels, car Henry avait pour Catherine un penchant partagé ; il lui avait souvent promis de l’épouser dès le temps du feu roi[2]. Ce fut en juin 1509 que se célébrèrent les fêtes du mariage ; elles durèrent jusqu’à la fin de l’année.

Les lettres renaissantes payèrent leur tribut aux deux jeunes époux. Henry vii les avait peu encouragées. Pauvres à toutes les époques, elles l’étaient surtout dans ces temps d’ignorance universelle, et elles n’y pouvaient vivre que des miettes des tables royales ; mais le feu roi, qui faisait des morceaux avec des miettes mises ensemble, n’avait pas voulu de leurs louanges pour n’avoir pas à payer leurs travaux. Elles attendaient beaucoup de Henry viii, lequel avait paru leur vouloir du bien avant son avénement, et, quoique fort retirées des affaires politiques, elles avaient pu entendre parler de son riche héritage. Il fut donc loué en grec et en latin, les deux seules langues littéraires d’alors, dans l’Europe occidentale. Sa figure, sa bonne mine, sa grace, la douceur de ses traits, et ce qu’on supposait de courage militaire à un prince jeune, sain, beau cavalier, fournirent matière à des poésies où l’on promettait à la nation des perfections morales en harmonie avec toutes les qualités physiques du roi. La mythologie, qui inspirait alors sérieusement

  1. Doct. Lingard, Henry viii.
  2. Le cardinal Pole.