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LA CONFESSION D’UN ENFANT DU SIÉCLE.

puis, au premier baiser, l’évanouissement, suivi d’un si bel effroi, cette chère maîtresse éplorée, les mains irritées et tremblantes, les joues couvertes de rougeur et toutes brillantes de pourpre et de perles ; ce sont là des traits de naturelle peinture qui permettraient sans doute de trouver en cet épisode la matière d’une comparaison, souvent heureuse, avec Manon Lescaut ou Adolphe, si une idée simple et un goût harmonieux avaient ici ménagé l’ensemble, comme dans ces deux chefs-d’œuvre. L’avant-dernier chapitre de cette troisième partie, si j’étais joaillier, etc., est d’une exquise et irréprochable volupté ; le dernier a quelques mots mystiques que je voudrais retrancher ; on peut le comparer à un chapitre d’Adolphe, qui est aussi tout en exclamations passionnées, et à d’enivrantes pages d’Oberman. Cette fin replonge et retrempe l’ame dans les plus fraîches émotions de la jeunesse ; vous avez senti par une tiède brise de mai la première bouffée de lilas.

Je me figure que si le livre de M. de Musset s’arrêtait à cet endroit, si sa Confession expirait, en quelque sorte, en s’exhalant dans cet hymne triomphal et tendre, il aurait bien plus fait pour le but qu’il semble s’être proposé que par tout ce qu’il a mis ensuite. Que peut-il vouloir en effet ? faire toucher du doigt à d’autres jeunes gens la plaie du libertinage, leur en indiquer aussi la guérison. Or, à vingt et un ans, l’austérité d’une fin purement religieuse étant écartée, il n’y a de guérison à ce vice que dans l’amour. Si l’amour appelé vertueux, l’amour dans l’ordre et le mariage lui paraissait peu favorable à son cadre de roman, s’il voulait l’amour libre et sans engagemens consacrés, eh ! bien, c’était une conclusion encore satisfaisante et noble, encore digne d’être proposée de nos jours, non-seulement sans scandale, mais même avec fruit, au commun de la jeunesse ; du moins l’art, moins scrupuleux que la morale exacte, y trouvait un but idéal, une terminaison harmonieuse. Qu’a-t-il fait au contraire ? il nous a montré, à partir de là, son héros défaisant à plaisir cet amour, par des jalousies, des soupçons, de bizarres inquiétudes, des procédés violens ; il a dit : Voilà ce que c’est que d’avoir été débauché ; celui qui été débauché gâte, souille par ses souvenirs, même l’amour pur. La manière dont Octave effeuille dans l’ame de Brigitte et dans la sienne cette fleur tout-à-l’heure si belle, son art cruel d’en offenser chaque tendre racine, est à merveille exprimé. Mais si la