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l’homme est un animal plus la raison, mais en ce sens que l’homme est un animal transformé par la raison.

Nous avons déjà eu occasion ailleurs[1] de démontrer que tous les métaphysiciens étaient arrivés, même sous l’empire des préjugés chrétiens, à reconnaître cette unité de notre nature. Nous avons cité ces admirables paroles de Bossuet : « Le corps n’est pas un simple instrument appliqué par le dehors, ni un vaisseau que l’ame gouverne à la manière d’un pilote. L’ame et le corps ne font ensemble qu’un tout naturel. Aussi trouve-t-on dans toutes nos opérations quelque chose de l’ame et quelque chose du corps ; de sorte que, pour se connaître soi-même, il ne faut pas seulement savoir distinguer, dans chaque acte, ce qui appartient à l’une d’avec ce qui appartient à l’autre, mais encore remarquer tout ensemble comment deux parties de si différente nature s’entr’aident mutuellement. Sans doute l’entendement n’est pas attaché à un organe corporel dont il suive le mouvement ; mais il faut pourtant reconnaître qu’on n’entend point sans imaginer ni sans sentir ; car il est vrai que, par un certain accord entre toutes les parties qui composent l’homme, l’ame n’agit point sans le corps, ni la partie intellectuelle sans la partie sensitive, etc.[2]. » Nous avons aussi mentionné en cet endroit la définition que le même Bossuet donne de l’ame : Substance intelligente née pour vivre dans un corps et lui être intimement unie ; sur quoi il ajoute : « L’homme tout entier est compris dans cette définition, qui commence par ce qu’il a de meilleur sans oublier ce qu’il a de moindre, et fait voir l’union de l’un et de l’autre. » Nous avons également montré combien cette définition de Bossuet est préférable à celle d’un spiritualisme aveugle et outré, à celle de M. de Bonald, par exemple : L’homme est une intelligence servie par des organes. Autant la première est complète, autant la seconde est incomplète, et peut par conséquent prêter à l’erreur. L’une est d’un sage qui connaît à fond la nature humaine, la relation et le jeu nécessaire des deux substances qu’il se croit en droit d’y distinguer, et qui, tout en donnant la prédominance à la plus grande, ne sacrifie pas la moindre ; l’autre est d’un fanfaron, qui sera d’autant plus embarrassé de la passivité de notre nature, qu’il

  1. Revue Encyclopédique, juin 1833.
  2. De la Connaissance de Dieu et de soi-même.