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DU BONHEUR.

Que d’artistes sont sortis de l’Idéalisme ! Si Lucrèce et Horace sont fils d’Épicure, combien plus nombreuse est la postérité de Platon ! Dans sa Divine comédie, Dante raconte qu’il eut Virgile pour introducteur dans le ciel. C’est qu’en effet Virgile est un reflet de Platon, et un reflet qui annonce le Christianisme. Mais depuis Virgile jusqu’à nous, quel monument un peu sublime de l’art n’est pas empreint d’Idéalisme ?

Aujourd’hui la doctrine qui repoussait la nature et la vie est renversée. Les vérités qui lui avaient donné l’existence sortent de l’enveloppe brisée du mythe, comme la chrysalide du cocon où elle s’était enveloppée. Plus de prêtres : nous sommes aujourd’hui les laïques restés seuls, mais les laïques élevés à la condition d’hommes qui doivent avoir compris que le propre de l’homme est d’aimer le beau et le bon, et d’en nourrir son ame. La leçon de Platon doit avoir profité, cette leçon que Jésus répéta lorsqu’il dit : L’homme ne se nourrit pas seulement de pain.

Donc, par l’Épicuréisme, par le Stoïcisme, par le Platonisme, et par le Christianisme, nous nous sommes éloignés profondément de la condition des animaux. Mais, sans la philosophie, en quoi notre vie, je le demande, différerait-elle de la vie des animaux ?

Le Platonisme a été le plus grand mobile du perfectionnement moral de l’homme, et l’instrument le plus actif de la sociabilité.

Le Stoïcisme a surtout été le ressort intérieur et énergique des révolutions du monde.

L’Épicuréisme a présidé surtout au perfectionnement industriel de l’humanité.

Le premier a surtout considéré nos rapports avec nos semblables et avec Dieu.

Le second a voulu surtout nous perfectionner nous-mêmes.

Le troisième s’est plus directement occupé de la nature extérieure.

Le perfectionnement réel et général n’a cependant eu lieu par aucun de ces systèmes exclusivement, mais par tous. Le résultat général a été le perfectionnement de nous-mêmes par l’idéalité et par la puissance sur la nature extérieure ; ce qui comprend les formules incomplètes de ces trois systèmes.

Il a fallu l’alliance du Stoïcisme et du Platonisme dans le Christianisme, c’est-à-dire un suprême mépris de la terre, uni à la cha-