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DU BONHEUR.

Grèce, qui eux-mêmes n’étaient qu’un rameau de la philosophie orientale. Il dit avec Socrate[1] que toutes nos recherches doivent avoir pour but la découverte de ce qui est le bien, et que nous n’avons pour y parvenir d’autre moyen que l’étude de l’homme, la connaissance de nous-mêmes : Nihil aliud homini esse investigandum nisi quod potissimum sit et optimum (τὸ ἄριστον ϰαὶ τὸ ϐέλτιστον), idque vero ex ipso homine, ex cognitione suî ipsius, ducendum. Puis, quand il s’agit de savoir ce qui est le bien et le mieux, au lieu de le déduire directement de l’étude de l’homme, Platon laisse échapper partout de sa main quasi sacerdotale les antiques solutions religieuses qu’il a recueillies dans ses voyages. Ce n’est plus un Grec, ce n’est plus le disciple de Socrate cherchant, sans le secours d’aucune tradition, la règle de la vie et du bonheur ; c’est un prêtre de Memphis qui parle.

L’ame est une force active par elle-même ; mais, déchue et unie à la matière, elle vit maintenant dans une sorte d’exil et d’emprisonnement. De cette union résultent en nous deux principes différens ; notre ame se compose de deux parties : la partie raisonnable, et la partie déraisonnable ou animale. Mais la première peut retourner à la vie bienheureuse des esprits.

Comment peut-elle opérer ce retour ? En reprenant conscience de toutes les Idées, éternels types et modèles des choses. Ces Idées existent en Dieu, et percent à travers le monde ; car Dieu a formé les objets sur le modèle des Idées.

Mais comment l’ame est-elle incitée à reprendre conscience des Idées, et à se débarrasser de la matière pour s’élever à Dieu ?

Par l’Amour. L’Amour est l’aile que Dieu donne à l’ame pour remonter à lui.

Y a-t-il rien de plus naturel aux hommes que l’Amour ? Ils aiment naturellement tout ce qui est beau, parce que leur ame descend de la source même de la beauté. Mais tout ce qui ressemble en quelque chose à cette beauté primitive les émeut plus ou moins, selon que leur ame est plus ou moins attachée au corps. Ceux dont l’ame est plus dégagée adorent dans la beauté des objets de la terre cette beauté souveraine dont ils ont conservé le souvenir et pour laquelle ils sont nés ; et cette adoration produit en eux la Vertu. Mais ceux

  1. Phédon.