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secrets sont inséparables, vous devez le comprendre ; et si en divulguant l’un, on flétrissait la mémoire de ma mère, je serais forcée de divulguer l’autre pour la justifier. Ainsi, soyez tranquille, ces papiers que j’ai trouvés sur elle après sa mort ne seront jamais produits au jour, si vous ne m’y contraignez par un acte de folie, et ils seront anéantis avec moi, sans que mon époux lui-même en soupçonne l’existence.

Depuis le moment où M. de Fougères avait aperçu les papiers dans la main de Fiamma, jusqu’à celui où elle les remit dans son sein, il avait été partagé entre le trouble de la consternation et la tentation de s’élancer sur elle pour les lui arracher. S’il n’avait pas réalisé cette dernière pensée, c’est qu’il savait Fiamma forte de corps et intrépide de caractère, capable de se laisser arracher la vie plutôt que de livrer le dépôt qu’elle possédait ; d’ailleurs il avait espéré l’obtenir de bonne grâce. Il balbutia donc quelques mots, pour faire entendre que son consentement au mariage était attaché à l’anéantissement de ces terribles preuves. Fiamma ne lui répondit que par un sourire qui exprimait un refus inflexible, et, le saluant sans daigner lui demander une promesse qu’il ne pouvait pas refuser, elle s’éloigna en silence. Alors le comte se leva et fit deux pas sur ses traces, vivement tenté de la saisir par surprise (et d’employer la violence pour arracher sa sentence d’infamie. Mais, au même instant, la pâle et calme figure de Simon Féline parut de l’autre côté de la haie, dans le jardin du voisin Parquet.

Le comte le salua profondément, tourna sur ses talons, et disparut.

Le mariage de Simon Féline et de Fiamma Faliero fut célébré à la fin du printemps, dans la petite église où ils avaient dit une si fervente prière le jour de leurs mutuels aveux. À côté de ce beau couple, on vit l’aimable Bonne s’engager dans les mêmes liens avec le jeune médecin qui l’aimait et qu’elle ne haïssait pas, c’était son expression. Le comte de Fougères assista au mariage avec une exquise aménité. Jamais on ne l’avait vu si empressé de plaire à tout le monde. Heureusement pour lui, cette noce se passait en famille, au village, et sans éclat, dans la maison Parquet. Aucun de ses pairs, et sa nouvelle épouse elle-même, qui fut très à propos malade ce jour-là, ne put être témoin des détails de cette fête, qui consomma sa mésalliance. La bonne mère Féline se trouva assez bien rétablie