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supposition, est contraire dans l’application à toutes les convenances. Nous arriverons au même but sans blesser la pudeur de Fiamma.

— Fiamma n’a pas besoin de pudeur avec moi, je vous assure, monsieur le comte. Je pourrais être votre père, à plus forte raison le sien : laissez-moi donc aller lui parler, et je vous réponds qu’elle ne se gênera pas pour me dire ce qu’elle pense.

— Je ne puis permettre que cela se passe ainsi, reprit le comte ; ma femme sert de mère à Fiamma ; c’est à elle qu’il faudrait s’adresser d’abord, elle en causerait avec ma fille…

— Votre femme est de l’âge de Fiamma et ne peut jouer sérieusement le rôle de sa mère ; ensuite, je doute qu’elle ait beaucoup d’influence sur son esprit : ainsi on peut s’éviter la peine de chercher ce prétexte.

— Ce prétexte ? Pensez-vous que je me serve de prétexte ? dit le comte blessé ; croyez-vous que je ne sois pas assez franc et assez maître de mes actions pour refuser ou pour accorder la main de ma fille ?

— C’est précisément là l’objet de la question, répondit hardiment Parquet, à qui il n’était pas facile d’en imposer ; mais voici Fiamma elle-même, et c’est devant vous qu’elle va me répondre.

— Qu’il n’en soit pas question en cet instant, ni de cette manière, je vous en prie, dit le comte en s’efforçant de faire sentir son autorité à M. Parquet ; mais Parquet était déterminé à tout braver. Mlle de Fougères entrait en cet instant. Il marcha au-devant d’elle, et la prit par le bras, comme s’il eût craint qu’on ne la lui arrachât avant qu’il eût parlé. — Fiamma, dit-il, en l’amenant vers son père, répondez à une question très concise ; voulez-vous épouser Simon Féline ? — Fiamma tressaillit, puis elle se remit aussitôt, regarda le visage impassible de son père, et vit, à la blancheur de ses lèvres, qu’il était dévoré de ressentiment. Elle répondit sans hésiter : J’y consens, si mon père le permet.

— Une fille bien née ne répond jamais ainsi, dit le comte en se levant ; avant de déclarer aussi librement ses désirs, elle demande conseil à ses parens. Il y a une espèce d’effronterie à procéder de la sorte. Il est évident que je ne puis vous refuser mon consentement ; je ne le puis, ni ne le veux, car j’estime infiniment le choix que vous avez fait. Seulement je trouve dans le mystère de ce choix,