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REVUE DES DEUX MONDES.

— Il suffit. Fiamma t’a-t-elle dit son grand secret ?

— Non, en vérité.

— Alors je ne sais ce que je fais, ni où je marche. Cette fille a une tête de fer, et nous ne la tenons pas encore. Voyons, que t’a-t-elle promis ?

— Rien. Mais elle m’aime.

— Eh bien ! alors il faut agir sans elle. Il y a dans son ame quelque scrupule, quelque terreur, qu’il faut vaincre. Elle ne veut pas de dot, et tu es riche : voilà, je crois, son objection.

— Et moi, si elle a une dot, je ne veux pas d’elle. Voici la mienne.

— Bon ! dit l’avoué, c’est ainsi que je l’entends. Allons, ma canne, où l’ai-je posée ? et mon chapeau ?

— Où allez-vous donc de ce pas, mon père ? dit Bonne, qui rentrait en cet instant.

— Au château.

— Alors, remettez donc votre habit neuf que vous venez de quitter.

— Non pas, ce serait faire trop d’honneur à cet avaricieux.

— Comment ! vous allez au château avec cet habit troué qui ne vous sert qu’au jardinage ?

— Sans nul doute, et avec mes sabots encore ! Crois-tu pas que je vais m’atiffer pour un Fougères ?

— Mais sa femme ? on doit des égards aux dames.

— Sa femme ? Elle me trouvera encore trop bien.

— Je vous assure, mon père, que vous avez tort. J’ai trouvé hier M. le comte bien froid pour vous. Vous perdrez sa clientelle, vous verrez cela ; et puis, en vous voyant si malpropre, cette dame va penser que je suis une paresseuse, une fille sans cœur, qui ne songe qu’à sa toilette, et qui ne soigne pas celle de son père.

— Je ne perdrai la clientelle de personne, répondit l’avoué d’un ton superbe, et personne ne se permettra de faire ses reflexions devant moi.

En parlant ainsi, il prit le chemin du château. Il y entra d’un air rogue, sans essuyer ses sabots à la porte, à la grande indignation des laquais. Il demanda le comte à voix haute, pénétra dans le salon tout d’une pièce, sans être annoncé, faisant craquer les parquets, crachant sur les tapis, et couvrant les meubles de tabac.