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SIMON.

ou dans le secret de ma cellule quand j’étais loin d’ici, ou devant le modeste autel qui recevait autrefois les ferventes prières de mon oncle. Viens avec moi, ma bien-aimée ; viens t’agenouiller dans cette petite église dont il fut le lévite assidu, et où jamais il n’entra sans avoir le cœur et les mains pures. Ce n’est pas pour lui qu’il faut prier, c’est pour nous-mêmes, afin que les impérissables sympathies de son ame immortelle descendent sur nous, afin que l’émulation de ses vertus nous rende semblables à lui, afin aussi que Dieu, qui lui accorda de bonne heure le ciel, son seul amour, bénisse notre amour qui, pour nous, est le ciel.

Les deux amans descendirent le sentier appuyés l’un sur l’autre, et se rendirent à l’église du village où ils prièrent avec enthousiasme. Simon avait un profond sentiment de la perfection de la Divinité et de l’immortalité de l’ame. Fiamma, Italienne et femme, était franchement catholique. Pour n’être point remarqués par le grand nombre de villageoises et de vieillards des deux sexes qui venaient régulièrement dire, ce jour-là, les prières des morts pour l’abbé Féline, ils avaient traversé les ombrages du cimetière et ils montèrent à la travée par la petite porte de la sacristie. Cette fois, Fiamma prit place dans la tribune seigneuriale, Simon était à ses côtés. Un rideau rouge les cachait à tout autre regard que celui des anges-gardiens du saint lieu. Par une fente de ce rideau, Simon vit l’autel étinceler aux rayons empourprés du matin. Tout était prêt pour le service funèbre qui devait être célébré à midi. La piété de Bonne s’était occupée la veille de ces saints devoirs en remplacement de Jeanne, qui, pour la première fois, n’en avait pas eu la force. Le drap mortuaire avec sa grande croix d’argent était étendu sur le cénotaphe et semé de violettes printanières. Des lis sans tache mêlés à des branches de cyprès fraîchement coupées embaumaient le chœur. Les oiseaux chantaient et voltigeaient autour des fenêtres entrouvertes, devant lesquelles on voyait se balancer les branches des arbres émus par la brise matinale. À l’intérieur régnait un religieux silence, interrompu seulement de temps à autre par les pas inégaux d’un vieillard qui entrait avec précaution, ou par le cri d’un enfant que sa mère allaitait en priant.

— Ô mon amie ! dit Simon à l’oreille de sa fiancée, quel charme indicible votre présence répand sur cette heure ordinarement