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SIMON.

— Ne dites pas cela, vous ne le savez pas, Bonne, interrompit Fiamma d’un ton si grave, que Bonne n’osa pas répliquer.

M. Parquet eut le soir un long entretien avec sa fille, à la suite duquel il l’embrassa en fondant en larmes, et en lui disant : — Bonne, les noms symboliques ont toujours porté bonheur, tu es ce que je connais de meilleur et de plus estimable au monde. Il est minuit, mais c’est égal, il faut que j’aille trouver la dogaresse ; elle se couche tard, et d’ailleurs elle peut bien recevoir en robe de chambre un vieux sigisbé comme moi… Il fut un temps… Mais la douce philosophie…

En murmurant ses réflexions favorites, M. Parquet prit sa canne, son chapeau, et alla, par les jardins du château, frapper à la porte vitrée de l’appartement de Fiamma. Elle était en prières et paraissait fort agitée. Elle tressaillit en entendant un bruit de pas sous sa fenêtre, mais en reconnaissant la voix de son sigisbé, elle se rassura et courut lui ouvrir.

Après un assez long exorde. — Il faut en finir, lui dit-il, Simon vous aime à la folie ; ce qui le prouve, c’est qu’il m’a demandé ma fille avant-hier, et qu’aujourd’hui il ne s’en souvient pas plus que de la première pomme qu’il a cueillie. Ma fille vient de lui écrire à ce sujet. Tenez, voyez quelle lettre ! et sachez comme on vous aime ici.

« Mon bon Simon, quoique vous m’ayez reproché l’autre jour d’être une coquette de village, je vous dirai qu’une vraie coquette vous écrirait aujourd’hui, d’un petit ton sec, qu’elle ne vous aime pas et qu’elle dédaigne vos propositions ; mais à Dieu ne plaise que je renie l’amitié sainte que j’ai pour vous depuis que j’existe ! Si je vous écris, ce n’est pas pour sauver mon orgueil humilié, c’est pour vous épargner l’embarras de me retirer votre demande. Non, mon bon Simon, vous vous êtes trompé, vous ne m’aimez pas. Vous aimez celle que j’aime aussi de toute mon ame. Nous allons réunir nos efforts, mon père et moi, pour qu’elle renonce au couvent. Tout le désir de mon cœur serait de vivre entre vous deux, à condition que vous reporteriez une partie de votre amitié pour moi sur le mari que j’ai choisi et à qui je commanderai de vous chérir et de vous estimer. Ella lo sa, comme dit quelqu’un. Adieu, Simon.

« Votre sœur, Bonne. »