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dez le mouvement des sociétés, leurs pratiques, leurs agitations ; voyez comment l’activité se développe, et même comment les fantaisies se satisfont. Les nations se montrent capricieuses comme les hommes, inégales comme eux ; elles ont leurs jours d’abattement et d’enthousiasme ; elles se découragent ; elles se relèvent.

Mais ce ne sont encore là que les signes extérieurs de la liberté. Un peuple, comme un homme, pour être vraiment libre, doit développer son intelligence, si loin qu’il pourra. Le mot de Spinosa ne perd pas de sa justesse pour être appliqué aux nations : voluntas et intellectus unum et idem sunt.

L’intelligence est l’essence même de la liberté humaine et de la volonté sociale. Hommes et peuples, si nous ne comprenons pas suffisamment les choses, nous pouvons avoir des fantaisies, mais point de liberté véritable. Mais si nous voyons clairement un but, une loi, une idée, notre volonté, non plus notre caprice, est pénétrée intimement ; elle se meut, elle marche, elle se dirige, et elle agit d’autant plus puissamment qu’elle est éclairée davantage.

Voilà l’union et non pas la contradiction de la liberté humaine et de la nécessité divine, c’est-à-dire des lois générales qui modèrent le monde. Ni les hommes ni les peuples ne perdent leur liberté, parce qu’ils reconnaissent des lois dont ils sont eux-mêmes les juges et les créateurs. Ils emploient au contraire cette liberté pour accomplir avec vigueur le but et la loi reconnue ; voilà la grande face de la liberté humaine.

Mais que d’actions, tant dans la vie individuelle que dans la vie sociale, échappent à l’empire des lois générales qui mènent l’humanité. Un homme ne nous semblerait-il pas fort ridicule s’il voulait imprimer à tous ses actes, aux actes indifférens comme aux actes essentiels, l’uniformité de la même loi ? N’y a-t-il pas un laisser aller qui dans la vie est inévitable, et fait même le charme de la sociabilité ? L’histoire des nations nous offre la même variété et le même abandon : les peuples ont des accidens et des fantaisies, des caprices et des aventures qui ne relèvent point des lois générales du monde : voilà la face variable et souvent divertissante de la liberté humaine ; voilà l’aliment ordinaire des mémoires, des révélations indiscrètes, des chroniques, des journaux, des correspondances. Là, l’histoire est souvent plaisante, comique, imprévue, et il n’y