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de la bataille de Platée, Hérodote décrit la victoire de Mycale, remportée le même jour : puis, par une amère ironie, il raconte une anecdote de cour sur les amours de Xercès ; enfin, avec la prise de Sestos par les Athéniens, sa grande histoire est à son terme.

La marche suivie par Hérodote est simple et directe ; il prend les Perses à leur origine ; il les suit et les pousse jusqu’à leur rencontre avec les Grecs ; avec leurs conquêtes, il embrasse le monde ; avec leurs conquêtes, il rehausse la gloire de leurs vainqueurs. Eschyle n’a pas trouvé de moyen plus dramatique de flatter les Athéniens que de leur montrer les larmes et les douleurs des Perses ; Hérodote ne pouvait mieux instruire et célébrer la Grèce qu’en donnant pour introduction à son histoire, l’histoire de l’Asie.

Que de choses il entraîne dans son récit ! On sent que, pour la première fois, les choses humaines sont dignement écrites, et que celui qui les rédige ne peut se résoudre à rien omettre de curieux et d’essentiel. Aussi l’historien enveloppe tout dans la trame de sa narration : description des lieux et des phénomènes de la nature, peintures des mœurs, tableaux des traditions, des coutumes et des lois, rien n’est laissé en arrière ; on dirait un général habile obligé de conduire une vaste armée, et réussissant, sans rien perdre dans sa route, à tout amener au but final. Il est inoui combien de faits Hérodote a réunis dans une histoire qui ne dépasse pas les proportions modernes de deux volumes ordinaires. En vérité, il mérite tout-à-fait cette louange que lui décerne Scaliger, et que reproduit avec tant de plaisir le président Bouhier : Herodotus, vetustissimus omnium solutœ orationis scriptorum, qui hodie extant, scrinium originum græcarum et barbararum, auctor est à doctis nunquam deponendus, à semidoctis, et pœdagogis et simiolis nunquam tractandus. « Hérodote, le plus ancien de tous les prosateurs, trésor des origines grecques et barbares, auteur que ne doivent jamais se lasser de lire les savans, et auquel ne doivent jamais toucher les demi-savans, les pédans et les méchans imitateurs. » Scaliger a déposé dans cet éloge la justesse et l’ardeur de son érudition passionnée.

Depuis long-temps on a remarqué combien l’histoire naturelle et la géographie avaient reçu d’Hérodote d’indications précieuses. L’histoire des lois et des institutions sociales n’a pas moins d’obligations à l’écrivain de Carie ; ainsi, nous trouvons dans ses neuf livres, pour ne parler que des sujets principaux :