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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

air menaçant, et il partit pour la Navarre. Le colonel repoussé devint le généralissime des armées de Charles v.

La demande d’intervention renouvelée[1] par le comte de Toreno, et le refus du gouvernement français, avaient précédé la mort de Zumalacarreguy. Ce n’est pas le lieu de traiter cette question si longtemps débattue, et, disons-le aussi, si mal posée ; le travail préliminaire auquel nous nous livrons ici n’est destiné qu’à la récapitulation des faits consommés, nullement à la discussion des cas en litige et des causes pendantes. C’est ainsi que nous n’avons parlé qu’à la volée du problème financier et de la guerre civile, parce que ce sont là deux faits actuels et non accomplis. Ces graves questions veulent être traitées à part. Il en est de même de l’intervention ; nous n’avons à la considérer ici que dans ses rapports avec le ministère Toreno.

L’intervention était l’ancre de salut de ce vaisseau en détresse ; l’ancre cassant, le vaisseau fit naufrage. M. de Toreno a trop de coup d’œil pour n’avoir pas vu le premier la fausseté de sa position ; il ne l’avait acceptée que dans l’espoir d’une assistance qu’il regardait comme nécessaire, sur laquelle il avait cru pouvoir compter, et dont le déni l’irrita d’autant plus qu’il rendait son ministère impossible. L’intervention refusée, il perdit courage, et ne songea plus qu’à se ménager une chute honorable. Comme les gladiateurs du cirque romain, il se drapa pour bien tomber.

Nous allons dire toute notre pensée. M. de Toreno fût-il revenu d’exil en tribun ; eût-il rompu à temps avec M. Martinez de la Rosa, et pris la direction des affaires plus tôt, et en vertu, non d’un compromis équivoque et périlleux, mais d’une opposition ouverte ; M. de Toreno enfin eût-il obtenu l’intervention, son règne, pour être plus long, n’en aurait pas moins été transitoire ; M. de Toreno n’est pas un homme de révolution : il est sceptique, et n’est pas ambitieux. Privé de ces convictions fortes qui font les vertus civiques, il ne prend point assez à cœur les principes, ni la chose publique au sérieux. Les instincts de l’homme du monde ont chez lui trop d’exigence, ils sont impérieux ; rebelles aux sacrifices, ils disputent pouce à pouce à l’homme politique le terrain de

  1. M. Martinez de la Rosa l’avait déjà faite pour son compte quelques jours avant sa chute.