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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

les soldats furent abandonnés et livrés à eux-mêmes. Le pas était difficile ; ils s’en tirèrent avec honneur.

Deux mois plus tard, il y eut à Malaga un mouvement plus sérieux. La milice urbaine chassa les troupes et resta maîtresse de la ville ; mais le mouvement ne se liait à rien, la victoire fut inutile, elle se tourna même bientôt en défaite ; un instant repoussée, l’autorité militaire reprit la ligne. Ce n’étaient là que les premiers symptômes, et comme les avant-coureurs de la grande insurrection nationale, régularisée plus tard par les juntes.

Une conspiration radicale avait signalé l’ouverture des cortès ; elles se fermèrent au bruit d’une conspiration, dans le sens contraire. Jusque-là les carlistes d’Andalousie s’étaient tenus assez tranquilles ; l’idée leur vint de se produire, et d’avoir, eux aussi, leur armée. Ils voulurent, comme on dit en Espagne, monter une faction. L’entreprise n’eut aucun succès. Surprise dans un moulin près de Séville, la faction naissante périt du coup. Le chef de la bande était un brigadier, nommé Malavila ; il fut arrêté et fusillé avec quelques-uns des siens.

Mais sortons enfin de tous ces chemins de traverse, sentiers tortueux et parfois sanglans, qui ne font que nous éloigner du but, et revenons sur la grande route pour ne la plus quitter.

Les cortès furent closes ; la vérité force à dire que la session mourut de langueur ; l’intérêt n’y était plus, et il serait permis de croire que M. Martinez ne la prolongea si long-temps que pour prolonger sa propre existence. Il sentait bien que descendre de la tribune, c’était descendre du ministère ; et, en effet, les deux évènemens se suivirent de près : la clôture des chambres est de la fin de mai, et le 9 juin M. Martinez n’était plus au ministère. Il avait cédé la place à M. de Toreno.

Le ministère Martinez se résume tout entier dans le statut royal ; il a vécu seize mois sur ce fonds. Nous n’avons pas à y revenir. Le statut concédé, son auteur crut avoir tout fait ; ce fut là son erreur fondamentale. À peine en route, il voulut enrayer tout court. C’était s’y prendre un peu tôt, et l’entreprise était téméraire ; il n’avait pas la main assez puissante pour tenir long-temps ; la pente était plus forte que lui, il est tombé, comme cela devait être. M. Martinez aurait fait, en temps calme, un assez bon ministre des beaux-arts ;