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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

Avant de clore la session, donnons un coup d’œil au dehors et voyons s’il ne s’y est rien passé qui soit digne d’attention. Nous trouverons peu d’évènemens ; les cortès convoquées, toute la vie politique avait reflué dans leur sein et s’y était concentrée. Le premier fait extra-parlementaire qui mérite les honneurs d’une mention, c’est l’arrestation du vieux Palafox, l’énergique et valeureux défenseur de Saragosse. La session n’était pas encore ouverte qu’une conspiration radicale, dont le mot d’ordre et le signe de ralliement étaient la constitution de 1812, avait déjà protesté du dehors contre l’œuvre du statut royal ; Palafox fut accusé d’avoir adhéré à la protestation séditieuse et trempé dans le complot ; mais l’accusation ne put se soutenir, et le patriarche de l’indépendance espagnole fut élargi.

Le complot n’éclata point. On douta même de son existence. Toutefois nous pouvons affirmer qu’il avait un fondement réel ; seulement les choses en restèrent à l’état latent ; c’était un vœu plus qu’une révolte, et l’évènement n’a de valeur que comme manifestation d’un mécontentement sourd et comme précurseur de prochains orages ; il prouve que, dès l’entrée de sa campagne parlementaire, M. Martinez se trouvait pris déjà entre deux feux. La conspiration devait éclater et fut découverte le 24 juillet, le jour même de l’ouverture des cortès.

L’année 1835 s’ouvrit par une insurrection militaire ; cet épisode fut sanglant ; il coûta la vie au général Canterac, qui venait de prendre le commandement de Madrid ; il coûta à Llauder le portefeuille de la guerre, dont il s’était mis en possession deux mois auparavant. Llauder fit preuve, en cette occasion, d’une incapacité qu’on ne croirait pas si on n’en avait été témoin. Armé de toutes les forces réunies de la garnison et de la milice urbaine, il ne sut pas se rendre maître d’une poignée de soldats révoltés ; retranchés dans l’hôtel des postes, comme dans une forteresse, ils tiraient de là sur les rues adjacentes, et ils gardèrent impunément leur position toute la journée. Sur le soir, les vivres et les munitions leur manquant, ils consentirent à capituler, c’est-à-dire que c’est le gouvernement qui capitula, car les vaillans coupables traversèrent Madrid en triomphe, tambours en tête et la baïonnette au bout du fusil. Ils allaient rejoindre l’armée de Navarre ; c’était la seule peine infligée à leur insubordination. Le peuple, qui partout sympathise au cou-