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SIMON.

— Grand Dieu ! ma mère, ne me trompez-vous pas pour me consoler ? s’écria Simon.

Et il se fit raconter les moindres détails de l’entrevue de Fiamma avec sa mère. Il était si ému, si oppressé, qu’il écoutait à peine la réponse à ses mille questions, tant il avait hâte d’en faire de nouvelles. Il ne comprenait pas la plupart du temps, et se faisait répéter cent fois la même chose. Ce ne fut qu’au bout d’une heure de conversation qu’il comprit la manière dont Fiamma avait accompagné sa mère, et alors seulement Jeanne, rassurée sur le désespoir de son fils, sentit se réveiller ses inquiétudes pour Fiamma, et laissa échapper ces mots :

— Oh ! mon Dieu ! je ne m’effraie pour elle ni de la nuit, ni de la solitude ; elle a un bon cheval, elle est brave et forte comme lui ; mais s’il venait à tomber de la neige avant qu’elle fût rentrée ? c’est si dangereux dans nos montagnes !

Simon pâlit et fit signe à Jeanne d’écouter. Le vent sifflait avec violence autour de cette maison bien close et bien chauffée. Simon pensa au froid qui devait glacer les membres de Fiamma durant cette nuit rigoureuse ; l’angoisse passa dans son cœur, il courut ouvrir la fenêtre : des flocons de neige, amoncelés sur la vitre, tombèrent à ses pieds. Un cri sympathique partit de son sein et de celui de sa mère ; puis, ils restèrent immobiles et pâles à se regarder en silence.

Simon courut seller le cheval de M. Parquet, et bientôt il fut sur le sentier de la montagne, courant à toute bride sur les traces de Sauvage. Hélas ! la neige les avait couvertes. Jeanne n’avait pas dit un mot pour l’empêcher de partir. Mais quand elle se trouva seule, le poids d’une double inquiétude tombant sur son cœur, elle leva les bras vers le ciel, et lui demanda de ne pas voir lever le jour, si son fils ne devait pas revenir. Cependant elle se rassura peu à peu en voyant que la neige n’épaississait pas. Simon rentra à deux heures du matin. Il avait été loin, sans atteindre la trace de Fiamma. Elle avait été rapide comme le vent et les nuages. Mais la neige ayant cessé de tomber et la lune s’étant levée dans tout son éclat, il avait reconnu la piste de Sauvage, et un peu en arrière, celle de plusieurs loups qui avaient dû le suivre assez long-temps ; car il avait remarqué ces traces jusqu’à l’entrée du village de Fougères. Là les sabots du cheval s’étaient montrés délivrés de leur