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SIMON.

que Simon Féline est le seul homme que j’aie pu choisir. Vous êtes deux ici, et vous avez certes d’assez grandes qualités pour lutter avec lui dans mon estime ; en outre, personne ne peut nier que vous ne soyez plus grand, plus beau, plus riche et mieux habillé que Simon le presbytérien ; il y avait donc bien des raisons pour que je me prisse pour vous d’une passion romanesque, de préférence à ce pauvre paysan que j’ai vu tout à l’heure passer là-bas sur la route, et dont le départ m’a fait plus de peine que la réalisation de tous mes châteaux en Espagne ne me ferait de plaisir. — Eh bien ! cependant, je vous jure que je n’ai pas plus songé à m’énamourer de vous, que vous de moi. Continuez vos observations, cousin, je vous écoute.

Le marquis, voyant qu’il n’aurait pas beau jeu avec Fiamma Faliero, prit le parti d’abjurer toute amertume, et de parler sérieusement et de bonne amitié avec elle. Il discuta avec beaucoup de calme et de bonne foi les chances d’un mariage entre elle et Simon.

— Je n’en vois aucune d’admissible, lui répondit Fiamma, je n’ai jamais compté là-dessus ; je ne sais même pas si je l’ai jamais souhaité. Cette amitié fraternelle, exclusive de tout autre amour et de toute autre union, satisfait le besoin de mon ame et n’ébranle pas l’aversion que j’ai pour le mariage.

Ils rentrèrent fort bons amis. Le marquis témoigna beaucoup de reconnaissance de la marque de confiance qu’il venait de recevoir ; mais dès qu’il fut rentré, il commanda à son valet de chambre de recharger sa voiture et de demander des chevaux de poste. Il exprima au comte, dans des termes laconiques, sa douleur d’avoir été repoussé, et son impatience ne se calma qu’en voyant les chevaux entrer dans la cour. Alors un reste d’amour fit passer un vif attendrissement dans son ame. L’air de regret sincère avec lequel Fiamma, après avoir écouté le mensonge accoutumé d’une lettre imprévue et d’une affaire importante, lui serra cordialement la main, amena sur ses lèvres quelques paroles entrecoupées et dans ses yeux quelques larmes passionnées. Il sentit que cet épisode laisserait un souvenir tendre dans sa vie. On peut croire cependant qu’il n’en mourut pas de douleur, et qu’il reparut trois jours après, en parfaite santé, au balcon de l’Opéra italien.