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fonctions éminentes dans le gouvernement. Heureusement un député influent du tiers-parti s’interposa dans cette affaire, que nous ne pouvions prévoir, et que nous eussions déplorée, si elle ne s’était terminée d’une manière satisfaisante — pour M. Dudon.


On parle beaucoup, dans les salons de Paris, de quelques femmes qui ont prolongé les plaisirs du bal jusqu’au jour, afin de pouvoir assister à l’exécution d’Avril et de Lacenaire. Nous nous garderons de les nommer. On dit cependant que l’une d’elles, Mme de G…, n’en fait pas mystère. L’heure et le jour de l’exécution des deux criminels avaient été cachés avec soin ; on ne connaissait, la veille, les dispositions qui devaient se faire dans la nuit, qu’à l’hôtel-de-ville, à la préfecture de police, et dans le cabinet du ministère de l’intérieur. On peut deviner maintenant le nom des dames qui étaient si bien informées.


Parmi les nombreuses fêtes qui ont eu lieu, et parmi celles qui se préparent, il faut citer le bal des Tuileries, le premier bal de Mme la comtesse Appony, le bal d’un riche Américain, M. Thorn, et les concerts ainsi que le bal que prépare Mme la duchesse de Broglie, qui se dispose à marier sa fille à M. le marquis de Crussol. Mais une des plus brillantes maisons de Paris sera fermée pendant cet hiver ; Mme de Flahault vient de perdre sa fille, une belle et noble enfant de quinze ans qui faisait l’orgueil de sa famille. L’hôtel de M. de Pahlen reste également obscur et silencieux, mais par d’autres motifs.


La nomination de M. Molé à l’Académie française paraît certaine. On pense qu’un petit nombre de voix se prononceront en faveur de M. Hugo. — Un académicien distingué à qui on objectait que le nom de M. Molé n’est pas un nom littéraire, répondait qu’il ne s’agit pas de remplacer Corneille ou Racine, mais M. Lainé, homme politique, qui occupait un des fauteuils décernés par le cardinal de Richelieu lui-même aux hommes du monde ; nous ne disons pas aux grands seigneurs, car nous ne connaissons pas de grands seigneurs aujourd’hui. L’académicien que nous citons, ajoutait que la littérature a plus que jamais besoin du contact de la société, et qu’elle n’a qu’à gagner à ce mélange des hommes de lettres, dont l’étude a élevé la pensée, il est vrai, mais l’a faussée bien souvent, et des hommes rompus au train du monde et des affaires, mêlés aux grandes guerres et aux grandes transactions de l’empire, comme est M. Molé. Nous n’ajouterons rien sur le caractère personnel de M. Molé ; nous nous contenterons de dire que, puisqu’il n’est pas question de faire entrer un littérateur à l’Académie, mais bien de prendre le nouvel académicien parmi les hommes de goût et de tact, parmi les orateurs dis-