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tribune aux bancs de la chambre, ne s’est jamais élevée que pour demander des rigueurs et des proscriptions ; et cependant les amis de M. Duvergier vantent sa douceur et sa bonté. Saint-Just était aussi un bon et charmant jeune homme ; son fanatisme mielleux et sa cruauté polie et attique n’ont pas fait moins de mal à la France, et au parti qu’il servait, que la froide insensibilité de Robespierre et l’humeur sanguinaire de Marat !

Nous donnons ces explications, afin qu’on n’accorde pas plus d’importance qu’ils ne méritent aux discours de M. Duvergier de Hauraune, et qu’on ne pense pas qu’il soit le régulateur de la politique ministérielle. C’est une justice que nous devons rendre au ministère. M. Duvergier ne représente pas plus la pensée de M. de Broglie et celle de M. Guizot, que M. Fulchiron ne représente la pensée de M. Thiers, si toutefois M. Thiers a une pensée. Il est vrai que MM. de Broglie et Guizot sont exclusifs et peu concilians ; mais ils le sont infiniment moins que M. Duvergier de Hauraune, comme aussi M. Thiers, tout matériel, tout égoïste qu’il soit, l’est beaucoup moins que M. Fulchiron, son protecteur à la chambre. M. Duvergier et M. Fulchiron sont, en quelque sorte, la caricature, le carnaval du ministère, sa représentation assez fidèle, mais grossière et outrée. Malheureusement, dans les momens critiques, c’est cette queue du ministère qui domine et qui entraîne la tête avec elle ; et, en ce sens, le discours de M. Duvergier, ainsi que la conversation parlementaire de M. Fulchiron, expriment peut-être plus la pensée du ministère que nous ne l’avons pensé d’abord.

La chambre a répondu par un paragraphe fort net, en faveur de la Pologne, au manifeste de l’empereur Nicolas, adressé à la municipalité de Varsovie. La chambre a agi honorablement dans cette circonstance, et on peut approuver sa phrase en toute sûreté de conscience, car cette phrase ne mettra pas l’Europe en feu et ne changera rien à la politique du ministère. Cette phrase est une simple protestation contre ce qui se fait à Varsovie, une réserve pour l’avenir. Or, en diplomatie, il est d’usage de ne pas se laisser troubler par de pareils actes. L’Angleterre a protesté, sous la restauration, contre l’expédition de la France en Espagne, et cette protestation n’a pas détruit la bonne intelligence qui existait entre les deux nations. La Russie est trop forte pour n’être pas calme. Sans doute, elle laissera passer en silence la courageuse protestation de la chambre des députés, mais que répondraient la chambre et le ministère au gouvernement russe, s’il prétendait, à son tour, par son organe officiel, la Gazette de Saint-Pétersbourg, que l’équilibre européen a été rompu aussi par la séparation des deux royaumes des Pays-Bas et de Hollande, formellement réunis par les traités de 1815, et si l’empereur