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LA NUIT DE NOËL.

Les pays dont tu viens… C’est du vieux cidre : approche ;
Mével, appelez-nous au premier son de cloche. »

Soyez béni, mon Dieu ! Dans les biens d’ici-bas,
Ceux qu’on poursuit le plus je ne les aurai pas ;
Il en est quelques-uns, hélas ! que je regrette ;
Mais il en est aussi que la foule rejette,
Et votre juste main me les donna, mon Dieu !
Des biens que je n’ai pas ceux-ci me tiennent lieu.
Dans cette humble maison, près de ce chêne en flamme,
Ce soir, je vous bénis, et du fond de mon ame !

Par un gai carillon bientôt fut annoncé
L’office de minuit, « — Le chemin est glacé,
Disait Joseph Daniel, en traversant la lande ;
Chaque pas retentit. Comme la lune est grande !
Entends-tu, dans le pré, des voix derrière nous ?
— Oui, j’entends des pasteurs, des chrétiens comme vous !
Ils ont vu cette nuit la légion des anges
Passer et du Très-Haut entonner les louanges :
Gloire à Dieu ! gloire à Dieu dans son immensité !
Paix sur la terre aux cœurs de bonne volonté !
Et tous vont adorer Jésus, l’enfant aimable,
Le roi des pauvres gens, le Dieu né dans l’étable. »

Ô vivans souvenirs ! la nuit, par ce beau ciel,
Tandis que nous marchions en célébrant Noël,
Les arbres, les buissons, du bourg au presbytère,
Dans la brune vapeur passaient avec mystère.

Toute l’église est pleine, et, sur les pavés nus,
Les pieux assistans chantent l’enfant Jésus.
Chaque femme en sa main porte un morceau de cierge ;
On a placé la crèche à l’autel de la Vierge ;
Je reconnais les saints, la lampe, les deux croix ;
Enfin tout dans l’église était comme autrefois ;
Moi seul je n’étais plus debout, près du pupitre,
Chantant à l’Évangile et chantant à l’Épître ;