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DES GRANDES ÉPIDÉMIES.

La faculté de médecine de Paris, la plus célèbre du xive siècle, fut chargée de donner son avis sur les causes de la peste noire et le régime qu’il fallait suivre. Cet avis est d’une bizarre absurdité. En voici le commencement :

« Nous, les membres du collége des médecins à Paris, après de mûres réflexions sur la mortalité actuelle, avons pris conseil auprès de nos anciens maîtres de l’art, et nous voulons exposer les causes de cette peste plus clairement qu’on ne pourrait le faire d’après les règles et les principes de l’astrologie. En conséquence, nous exposons qu’il est connu que, dans l’Inde, dans la région de la grande mer, les astres qui combattent les rayons du soleil et la chaleur du feu céleste, ont exercé leur puissance contre cette mer et combattu violemment avec ses flots. En conséquence, il naît souvent des vapeurs qui cachent le soleil et qui changent la lumière en ténèbres. Ces vapeurs répètent leur ascension et leur descente, pendant vingt-huit jours de suite ; mais à la fin le soleil et le feu ont agi si violemment sur la mer, qu’ils en ont attiré vers eux une grande partie, et que l’eau de mer s’éleva sous la forme de vapeur. Par là, dans quelques contrées, les eaux ont été tellement altérées, que les poissons y sont morts. Mais cette eau corrompue ne pouvait consumer la chaleur solaire, et il n’était pas non plus possible qu’il sortit une autre eau saine, de la grêle ou de la neige. Bien plus, cette vapeur se répandit par l’air en plusieurs parties du monde et les couvrit d’un nuage. C’est ce qui arriva dans toute l’Arabie, dans une portion de l’Inde, dans la Crète, dans les plaines et les vallées de la Macédoine, dans la Hongrie, l’Albanie et la Sicile. S’il parvient jusqu’en Sardaigne, aucun homme n’y restera en vie, et il en sera de même des îles et des pays circonvoisins, où ce vent corrompu de l’Inde arrivera ou est déjà arrivé, aussi longtemps que le soleil est dans le signe du Lion. Si les habitans de ces régions n’emploient pas le régime suivant ou un autre analogue, nous leur annonçons une mort inévitable, à moins que la grâce du Christ ne leur conserve la vie. »

Suivent les règles traitées par la docte faculté, et que je supprime, car ce document fait peu d’honneur au corps médical qui les rédigea au xive siècle. On se tromperait cependant, si on voulait juger la raison de ce siècle par un tel échantillon de fausse science et de bavardage pédantesque. En dehors des corps constitués, se trouvèrent quelques hommes qui méritent à plus juste titre d’être consultés, et qui ont déposé dans leurs écrits les fruits de leur expérience et de leurs méditations.

Je viens d’exposer des faits qui n’entrent pas ordinairement dans l’histoire de l’humanité. Tout cela forme un sombre tableau. D’immenses épidémies, dévastant le monde, se manifestent par les phénomènes les plus di-