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incommode de chaleur interne, qui, dans les cas funestes, montait vers la tête et déterminait un délire mortel.

Après quelques délais, et chez beaucoup de prime abord, une sueur se manifestait sur tous les points du corps et coulait avec une grande abondance, apportant le salut ou la mort, suivant que la vie résistait à une aussi furieuse attaque.

La suette anglaise n’a pas été une maladie signalée par une seule invasion, et passant comme un ouragan sur les populations ; elle a eu cinq irruptions, séparées les unes des autres par d’assez longs intervalles, et variables par l’étendue des pays ravagés.

La suette, au moment où elle parut, était une maladie complètement nouvelle pour les hommes parmi lesquels elle sévissait. C’est aux premiers jours d’août de l’an 1485 que l’on fixe son apparition sur le sol de l’Angleterre. Le même mois, elle éclata à Oxford, et tel fut l’effroi qu’elle répandit dans cette université, que les maîtres et les élèves s’enfuirent, et que cette école célèbre resta déserte pendant six semaines. Londres fut envahi par la maladie dans le mois de septembre, et perdit un grand nombre de ses habitans ; mais cette rapide et redoutable maladie ne devait pas avoir une longue durée : elle cessa subitement dans les premiers jours de janvier 1486, après s’être strictement renfermée dans les limites de l’Angleterre.

Après cette première attaque, la suette s’est montrée quatre autres fois en Angleterre, respectant toujours l’Écosse et l’Irlande, n’infectant de la France que Calais, alors occupé par les Anglais, et n’ayant pénétré qu’une fois en Allemagne et dans le nord de l’Europe.

Depuis lors la suette n’a plus reparu en Angleterre ; elle y est aujourd’hui aussi inconnue qu’elle l’était avant le mois d’août 1485. On remarquera néanmoins qu’elle offre de grandes ressemblances avec la maladie cardiaque de l’antiquité, caractérisée aussi par un flux de sueur abondant.

Les sociétés, dans le cours du temps et par le progrès de la civilisation, éprouvent, dans leurs mœurs, dans leurs habitudes, dans leur genre de vie, des changemens considérables qui ne peuvent manquer d’exercer leur part d’influence dans l’hygiène publique.

Hippocrate fait la remarque que de son temps les femmes n’étaient pas sujettes à la goutte ; et Sénèque, que cette observation avait frappé, signale la fréquence de cette maladie chez les dames, accusant de cette différence les mœurs dissolues de Rome. Les voyageurs qui ont parcouru les premiers les divers archipels de l’Océan Pacifique, assurent que les catarrhes n’existaient pas chez ces peuples avant l’arrivée des Européens. Platon dit la même chose des Grecs avant Solon.