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DES GRANDES ÉPIDÉMIES.

La pellagre est une maladie propre à l’Italie septentrionale. Elle attaque presque uniquement les gens de la campagne ; commençant par une maladie de peau, elle finit par porter atteinte aux organes les plus importans, particulièrement au cerveau et aux viscères qui servent à la digestion ; l’on conçoit que quand elle a atteint ce degré, elle devient une affection excessivement grave ; elle cause en effet souvent la mort des individus qui en sont atteints. Cette maladie ne sort pas de la haute Italie, et elle paraît essentiellement tenir à certaines conditions d’insalubrité qui se remarquent dans cette partie de la Péninsule.

Il y a dans ces maladies des transformations, et pour ainsi dire, des jeux qui ne permettent de faire nulle part aucune classification précise. Quelques-unes, par exemple, après avoir eu un caractère très long-temps local, acquièrent soudainement une puissance bien plus grande et débordent à l’improviste sur les pays environnans. La suette anglaise est dans ce cas ; d’abord exclusivement bornée à l’Angleterre, elle fit lors de sa dernière apparition une invasion sur le continent et désola tout le nord de l’Europe. Cette maladie est si étonnante, qu’elle mérite une mention détaillée. Je l’emprunte à M. Hecker.

La suette anglaise était une affection excessivement aiguë, qui se jugeait en vingt-quatre heures au plus. Dans cette marche si rapide, elle présentait des degrés et des formes différentes ; et les observateurs en ont signalé une où le signe caractéristique, la sueur, manquait, et où la vie, succombant sous un coup trop violent, s’éteignait en peu d’heures.

Le mal arrivait sans que rien l’annonçât. Chez la plupart, la suette, comme presque toutes les fièvres, commençait par un court frisson et un tremblement qui, dans les cas mauvais, se transformait en convulsions ; chez d’autres, le début était une chaleur modérée, mais toujours croissante, qui les surprenait, sans cause connue, au milieu du travail, souvent le matin au lever du soleil, même au milieu du sommeil, de sorte qu’ils se réveillaient tout en sueur.

Alors le cerveau devenait rapidement le siége de dangereux phénomènes. Plusieurs tombaient dans un délire furieux, et ceux-là mouraient pour la plupart. Tous se plaignaient d’un sourd mal de tête, et au bout de très peu de temps survenait le terrible sommeil, qui se terminait le plus souvent par la mort. Une angoisse horrible tourmentait les malades, tant qu’ils conservaient l’usage de leurs sens. Chez plusieurs, la face devenait bleue et se tuméfiait, ou du moins les lèvres et le cercle des yeux prenaient une teinte bleue. Les malades respiraient avec une extrême difficulté ; en outre, le cœur était saisi de tremblement et de battement continuels ; et cet accident était accompagné d’un sentiment