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CHANTS DE GUERRE DE LA SUISSE.

en grand nombre, et combattent long-temps ; mais aucun d’eux ne peut s’échapper.

Cependant on pénètre dans la tour, et jamais homme ne se trouva dans une pareille angoisse. On les jette morts ou vivans par-dessus les remparts.

Plus de cent hommes y laissent leur vie, je ne veux pas mentir, et les Suisses leur apprennent à voler sans ailes au-delà des murailles.

Ceux qui occupent le château d’Echallens apprennent qu’ils seront bientôt assiégés. Ils envoient dire aux soldats de Berne qu’ils se rendront volontiers.

Reste encore un château fort, le château fort de Jougne. Les confédérés arrivent dans la ville et parviennent de suite au-dessus des remparts, car tous les Welsches étaient partis pour retourner dans leur contrée.

Jougne est une bonne forteresse ; entre les cinq que nous avons nommées, c’est la meilleure. Elle sert de sauvegarde au pays de Savoie. Les Bernois y entrent et en prennent possession.

Sans le secours de Dieu, comment eussent-ils pu prendre en aussi peu de jours tant de villes et tant de châteaux ? Mais remercions aussi les gens de Berne et les braves soldats des autres villes.

L’ours était sorti de sa caverne. Après avoir remporté une telle victoire, il y rentre de nouveau. Que Dieu lui donne joie et bonheur. Voilà ce qu’a chanté Veit-Weber. Amen.


Tel est ce chant guerrier que les paysans suisses entendaient autrefois chanter avec enthousiasme. Je ne prétends certes pas le donner comme un modèle de goût, mais comme un monument traditionnel de poésie naïve et spontanée. Je n’ai pas prétendu non plus développer dans un espace aussi restreint toutes les richesses du chant populaire ; je n’ai fait que rappeler ces sources d’eaux limpides, ces sources oubliées, où l’arbre de l’art et de la science actuels a jeté ses premières racines, où nous pourrions aller peut-être retremper avec fruit notre cœur et notre imagination.


X. Marmier.