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CHANTS DE GUERRE DE LA SUISSE.


pendant ont mis leur nom au bas de leur poème comme nos romanciers du moyen-âge le mettaient au bas de leur livre[1]. »

« Celui qui vous chante cette chanson peut maintenant se nommer. Il a été lui-même témoin de ce qu’il raconte. Il s’appelle Jean Ower, et dans le pays de Lucerne, il s’écrie avec force : Ô Dieu, préserve la confédération de toute injure et de toute honte[2]. »

« Cette chanson, confédérés, Jean Viol la chante librement à votre honneur, à votre gloire, afin que vos louanges soient connues partout où l’on s’occupe de vous[3]. »

« Celui qui nous a chanté cette nouvelle chanson s’appelle Jean Wick. Il est né à Lucerne, et bien connu à Uri. Il était à la bataille vers ce bon temps de mai qui nous donne tant de joie[4]. »

D’autres fois le poète termine par en appeler à la générosité de ses auditeurs, ce qui prouve que ces chansons devaient se chanter au milieu de la foule, sur les places publiques.

« Celui qui nous chante cette petite chanson a fait maint long détour. Le bon vin est cher, et sa poche est en mauvais état. Voilà pourquoi il vous dit sa misère, et vous prie de lui accorder votre tribut[5]. »

Mais celui de tous ces poètes qui mérite le plus d’être cité, celui qui les surpasse tous par la chaleur de la pensée, comme par l’énergie de l’expression, c’est Veit-Weber. Son style est âpre et rude ; sa lyre n’a que des cordes d’acier, mais des cordes fortement tendues. Ni l’amour, ni les idées tendres et rêveuses ne l’ébranlent. C’est une main gantelée de fer qui la fait vibrer. Veit-Weber, c’est le Suisse des anciens temps, le montagnard qui se fait soldat, pour défendre son pays, le soldat qui se fait poète pour chanter le chant des combats. Veit-Weber, c’est le Taillefer de la Suisse[6].

    mais eux-mêmes, ou parfois mentant exprès pour se déguiser. Fauriel, Chants de la Grèce. Disc. prél. p. lxxxviii.

  1. Benoist de Saint-More.
    L’a translaté, et faict et dit,
    Et a sa main les mots écrit.

    (Romance de Troye.)
  2. Bataille de Ragaz, 1446.
  3. Bataille de Morat, 1476.
  4. Bataille de Schwaderloch, 1499.
  5. Bataille de Grandson, 1476.
  6. Taillefer qui, mult bien chantout,
    Sor un cheval qui tost alout,
    Devant le duc alout chantant