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CHANTS DE GUERRE DE LA SUISSE.

« Ils attribuent à la poésie un pouvoir magique[1]. Ils ont des chants avec lesquels ils croient pouvoir éteindre le feu, guérir les blessures. Ils en ont contre les maladies, contre les morsures de serpent, contre la colère de leurs ennemis, comme ils en ont aussi pour faire un heureux voyage et obtenir une bonne chasse. »

L’Espagne est le premier peuple qui ait commencé à recueillir ses chants populaires. Son romancero était imprimé dès le xvie siècle[2].

L’Italie n’a point de poésie populaire ; elle s’est élevée trop vite à la poésie artistique. Quand une nation commence par avoir un Dante et un Pétrarque, il ne faut pas penser à la voir redescendre à la forme ignorante du chant populaire. On a cependant publié en Allemagne un recueil de poésies populaires italiennes ; mais il offre bien peu de pièces qui méritent réellement ce titre[3].

En France, il y a eu depuis une vingtaine d’années, un mouvement d’étude admirable dans le domaine de notre ancienne littérature. Rien de spécial n’a été fait pour l’histoire de la poésie populaire. Je ne connais là-dessus que deux ouvrages, et tous deux sont empruntés à une nation étrangère. Ce sont les Chants populaires de la Grèce, de M. Fauriel, et les Ballades anglaises de M. Loève-Veimars[4]. Il y aurait, nous le croyons, de vrais trésors littéraires à puiser dans l’étude de nos divers idiomes de province, et des œuvres naïves qu’ils ont produites. Cette source toute nouvelle de poésie a été indiquée à différentes reprises dans les travaux de la société des antiquaires[5], dans quelques articles de la Revue des Deux Mondes ; mais elle n’a été qu’indiquée. Les Allemands ont voulu être plus

    prit, et au moment où il en fit vibrer les cordes, les animaux de la terre, des eaux et des airs, s’approchèrent pour l’écouter, et lui-même se sentit tellement attendri, qu’il pleura, et ses larmes tombèrent comme des perles le long de sa robe. (Geschichte des Heidenthums in nordlichen Europa, von F.-J. Mone, tom. i, p. 54.)

  1. La même croyance se retrouve dans l’Edda. Snorro dit qu’Odin enseigna le chant et la magie aux Ases par les Runes et par ses poésies. Avec ces chants, il pouvait changer le vent, éteindre les flammes, apaiser l’orage, et se transporter dans les contrées lointaines.
  2. Le premier recueil de romances espagnoles est celui de Ferdinand de Castille. Il fut publié en 1510. Le Cancionero de Romances parut à Anvers en 1555 ; le Romancero historiado de L. Rodriguez en 1579.
  3. Egeria raccolta di poesie italiane populari, par G. Müller et O.-L.-B. Wolff.
  4. Ballades anglaises et écossaises, par M. Loève-Veimars, Paris, Raynouard, 1824.
  5. Mélanges sur les langues, dialectes et patois. Paris, 1831.