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SIMON.

lui-même. Il lui pardonnait d’être républicain, parce qu’en Vénétie l’opinion républicaine n’engage pas à d’autre dévouement à la cause populaire qu’à la haine de l’étranger et à des actes de résistance contre lui dans l’occasion. Il plaisait au noble caractère de Fiamma de poétiser cet esprit libéral de ses compatriotes ; mais elle savait bien au fond que la république de Venise était aussi loin de son idéal politique, que la France constitutionnelle l’était encore de Venise esclave. Elle n’en disait rien à Simon par orgueil national ; elle s’en plaignit avec son compatriote, parce qu’elle n’eût pu lui faire partager ses illusions.

Elle avait vu quelquefois le marquis en Italie, et le connaissait assez peu ; mais la vue d’un compatriote et d’un co-opinionnaire fut pour elle un évènement agréable au fond de son exil. C’était un bon jeune homme, extraordinairement cultivé pour un Lombard. Quoique un peu gros, il était d’une beauté remarquable ; l’expression de son visage était sereine, noble et douce ; la santé, le courage et l’amour de la vie brillaient dans ses yeux d’un tel éclat, qu’on eût pu parfois s’y tromper et y voir le feu de l’intelligence. Tout en lui inspirait la confiance et l’estime. Il avait un cœur aimant et sincère, le caractère loyal et brave, l’imagination vive et toujours prête pour la grande passion, comme cela est d’usage en son pays. Il était venu en France pour s’instruire des choses et des hommes, et il avait tiré assez bon parti de son voyage. Mais au milieu de son cours de philosophie et de politique, l’amour des aventures, si naturel à vingt-cinq ans, l’avait poussé en personne à Fougères, où la présence de sa belle cousine lui faisait espérer de bâtir un roman négligé en Italie.

C’était un de ces hommes un peu corrompus, mais encore naïfs, que le monde entraîne, et qui ne sont pas fâchés d’y paraître beaucoup plus roués qu’ils ne le sont en effet. Une femme d’esprit peut les rendre aussi sérieusement amoureux qu’ils affectent d’être incapables de le devenir, surtout si, comme Fiamma, elle ne songe pas à opérer ce miracle. Asolo était fort capable d’enlever sa cousine, si sa tête eût été aussi éventée qu’elle avait passé pour l’être dans sa province d’Italie, où ses courses à cheval et sa vie indépendante avaient, comme en Marche, excité, non le blâme, mais le doute et la curiosité de ceux qui ne voyaient pas de près sa conduite irréprochable. Il avait assez d’esprit pour la jouer et la