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SIMON.

au château, vous feriez bien de cesser vos relations avec la maison Féline ?

— Je sais, mon ami, répondit Fiamma, que ce serait une conduite prudente, si tant est que l’intérêt personnel doive céder à l’absurdité, par crainte de querelles ; je sais que mon père, tout en accablant M. Féline de complimens et de prévenances, le remercierait volontiers de ne pas répondre à ses invitations. Malgré sa ponctualité à saluer profondément Mme Féline et à lui demander de ses nouvelles dans la rue, il n’oserait lui offrir une chaise dans son salon, à côté de la femme du sous-préfet. Cependant il faudra bien qu’il en vienne là. Il m’en coûtera quelque peine ; j’essuierai des admonestations ennuyeuses, et j’entendrai émettre des principes de morale et de bienséance qui feront bouillir mon sang dans mes veines ; mais, comme à l’ordinaire, je tiendrai bon, je serai respectueuse, et ma volonté sera faite. Ne vous inquiétez donc de rien ; mon père est un homme qu’il faut forcer à bien agir en le prenant au mot. Je me charge de faire dîner Mme Féline à sa table ; chargez-vous d’amener M. Féline à lui rendre visite,

— Mais vous tenez donc bien à la société de ces Féline ? demanda M. Parquet, qui voulait toujours savoir le fin mot de toute affaire, et ne commençait aucune démarche, si légère qu’elle fût, sans avoir confessé sa partie.

— J’y tiens comme je tiens à vous et à votre fille, répondit Fiamma avec fermeté. Si mon père croyait conforme à ses intérêts et à ses préjugés de m’éloigner de vous, pensez-vous que je ne résisterais pas de toutes mes forces à cette injustice ?

— Vous avez une manière de dire, reprit maître Parquet tout attendri, qui fait qu’on vous obéit aveuglément ; vous me feriez fabriquer de la fausse monnaie. Cependant, avant de vous céder, je veux, ma chère fille, pour me venger de l’ascendant que vous prenez sur moi, vous adresser quelques reproches. Vous n’avez pas assez de déférence pour votre père ; vous lui faites trop sentir votre supériorité… Écoutez-moi jusqu’au bout. Je sais que vous avez avec lui le meilleur ton, et que jamais une parole blessante n’est sortie de votre bouche ; mais voyez-vous ! si Bonne, avec tout votre respect extérieur, me traitait comme vous le traitez au fond de l’ame, j’aimerais mieux qu’elle m’arrachât ma perruque et