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SIMON.

pas la main d’une Allemande, tandis que vous êtes à genoux près de moi, que vous croyez monarchique.

— Je sais que vous êtes belle comme un ange et brave comme un lion, et à présent que je vous sais républicaine, je baiserais vos pieds si vous me le permettiez.

— Vous êtes forts en beaux discours sur la liberté, vous autres, reprit-elle ; mais nous avons un proverbe que vous devez comprendre : Più fatti che parole. À l’heure qu’il est, nous sommes sous le joug, et on nous croit écrasés parce que nous le portons en silence ; mais on ne sait pas ce que sera notre réveil quand l’heure sera venue.

— Je crains qu’elle n’arrive pas plus tôt pour vous que pour nous, répondit Simon ; si toutes les ames italiennes étaient aussi courageuses que la vôtre, si tous les cœurs français étaient aussi convaincus que le mien, nous ne subirions pas la honte des lois étrangères.

— Espérons des jours meilleurs, dit Fiamma ; mais ce n’est pas le moment de parler politique. Pourquoi ne venez-vous pas chez mon père ?

— Mais, dit Simon un peu embarrassé, je n’ai pas l’honneur de le connaître.

— Il vous a engagé plusieurs fois, je le sais ; pourquoi avez-vous refusé ?

— Vous savez combien mes opinions diffèrent des siennes, et vous me le demandez ?

— Mon père n’a point d’opinions politiques, répondit brusquement Fiamma ; et, à cause de cela, il serait désobligeant autant qu’inutile de discuter avec lui. C’est un homme très doux et très poli ; et si les gens de bien ne s’éloignaient pas de lui à cause de ses prétendues opinions, il ne serait pas réduit à remplir son salon de cette canaille qui s’y traîne à genoux.

— Vous parlez bien durement de vos courtisans, dit Simon ; si votre père les accueillait avec une franchise aussi rude, j’ai peine à croire qu’ils fussent aussi empressés à lui rendre hommage.

— Sans doute, si mon père avait assez de force pour comprendre ses véritables intérêts et sa véritable dignité, il aurait en France un beau rôle à jouer. Mais votre noblesse française est démoralisée ; vous l’avez si maltraitée, qu’elle ne sait plus ce qu’elle fait. Ce n’est pas ainsi que nous agissons et que nous pensons chez nous. Le