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soit ? pensez-vous que votre monsieur le comte soit autre chose pour nous qu’un client et un hôte envers lequel nous n’avons que des devoirs de probité et de politesse à remplir ?

— À Dieu ne plaise que j’en pense autrement, répondit Simon avec plus de douceur. Cependant, voisine, il me semble que votre père n’avait pas jugé convenable, ou du moins nécessaire, de vous emmener hier avec lui. D’où vient donc que vous voilà en route ce matin pour le rejoindre ?

— C’est que j’ai reçu un exprès et une lettre de lui au point du jour, répondit Bonne.

— Si matin ? répliqua Simon d’un air de doute.

— Tenez, monsieur le censeur ! dit Bonne en tirant de son sein un billet qu’elle lui jeta.

— Oh ! je vous crois, s’écria-t-il en voulant le lui rendre.

— Non pas, non pas, répartit la jeune fille, vous m’accusez de courir au-devant d’un homme malgré la défense de mon père, je veux que vous me fassiez des excuses.

— À la bonne heure, dit Simon en jetant les yeux sur le billet, qui était conçu en ces termes :

« Lève-toi vite, ma chère enfant, et viens me trouver. M. de Fougères n’est point un freluquet, ou s’il l’est, son équipage du moins ne me donne pas de crainte. En outre, il m’a amené une dame que je suis fort en peine de recevoir convenablement. J’ai besoin de ta présence au logis. Apporte des fruits, des gâteaux et des confitures.

« Ton père qui t’aime. »


— En ce cas, chère voisine, dit Simon en lui rendant le billet, je vous demande pardon et déclare que je suis un brutal.

— Est-ce là tout ? répondit Bonne en lui tendant la main.

— Je déclare, dit-il en la lui baisant, que vous êtes Bonne la bien baptisée. C’est le mot de ma mère toutes les fois qu’elle vous nomme.

— Et répondez-vous toujours amen ?

— Toujours.

— Surtout quand vous ne pensez pas à autre chose ?

— Pourquoi cela ? que signifie ce reproche ? répondit Simon avec beaucoup d’étonnement.

Bonne rougit, et baissa les yeux avec embarras. Elle eût mieux