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REVUE. — CHRONIQUE.

accédé le dernier, il y a peu de temps ; après avoir résisté plusieurs années aux propositions de la Prusse ; et aujourd’hui une circonstance, peu importante en elle-même, ouvre au système prussien une voie nouvelle, et semble préparer son extension dans d’autres pays que les états allemands. C’est encore le ministère actuel qui a réservé cette dernière disgrace à la France.

On sait les difficultés qui se sont élevées entre le grand royaume de France et le petit, le très petit canton, ou plutôt le demi-canton de Bâle-Campagne. Nous avons déjà dit que le ministère français a tous les torts dans cette affaire. Il s’agissait tout simplement de lire attentivement le traité passé entre le gouvernement fédéral et M. de Rayneval, notre ambassadeur en Suisse sous la restauration. Un article de ce traité dit formellement que les juifs français ont en Suisse les mêmes droits que les juifs indigènes qui n’en ont pas, et à qui il est interdit d’acquérir des propriétés sans le consentement des autorités spéciales. Aujourd’hui que, sur la réclamation d’un juif français, le canton de Bâle-Campagne se trouve en interdit, et frappé d’une sorte d’embargo, le vorort a jugé à propos de céder à l’invitation des gouvernemens allemands et d’envoyer à Stuttgard plusieurs commissaires chargés de s’entendre pour les questions commerciales, avec les commissaires de la Bavière, du Wurtemberg et du duché de Bade. On peut juger de l’esprit qu’apporteront les commissaires suisses dans ces négociations ! Le résultat est facile à prévoir, et nous ne tarderons pas à recueillir le fruit de notre raideur et de notre dureté, qui contraste singulièrement avec la douceur et la longanimité que nous avons montrée dans l’affaire d’Amérique. Il est vrai qu’envers la Suisse nous avons tort, et que nous avons raison vis-à-vis de l’Amérique !

Dans cet état de choses, pourquoi la France ne créerait-elle pas, pour le midi de l’Europe, un système de douanes français, par opposition au système prussien qui gagne chaque jour, et menace de créer une sorte de blocus continental, contre nous ? Le gouvernement français pourrait, de son côté, tracer un assez vaste cercle ? L’Espagne, le Portugal, la Belgique (qui nous échappera quelque jour, et se ralliera au système prussien, si nous n’y prenons pas garde), la Suisse française, l’Afrique en ce qui concerne nos possessions ; tel serait le théâtre de cette vaste exploitation. Qui sait même si l’Autriche, froissée par le système prussien, n’accéderait pas quelque jour à notre alliance commerciale ? Peut-être l’Angleterre s’y rattacherait-elle également par quelques transactions particulières ; ainsi que la Russie se dispose à faire pour l’Allemagne. Dans ce système, la France serait comptable des autres puissances comme est la Prusse aujourd’hui ; elle les rattacherait à elle par mille