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Quand le traité de Paris eut déterminé, avec le rétablissement de l’ordre, la paix générale, la restauration des Bourbons et la circonscription territoriale de la France, l’Autriche dut faire un retour sur elle-même, et envisager avec sang-froid la position qu’elle s’était faite. Et c’est ici que la pensée de M. de Metternich se montre forte et toute d’avenir.

La Prusse, dans la longue lutte qui venait de s’accomplir, avait prêté un appui trop puissant à la coalition pour qu’elle ne dût pas prétendre à une compensation territoriale qui la rendrait maîtresse d’une partie de l’Allemagne : l’influence au nord devait lui appartenir. L’empereur François pouvait-il reprendre la vieille couronne impériale abdiquée par le traité de Presbourg ? On l’y invitait, car il y avait un engouement pour toutes les antiques coutumes. M. de Metternich aperçut là un véritable jouet d’enfant, un titre sans influence réelle. La Prusse d’ailleurs avait pris un tel ascendant sur l’Allemagne qu’il eût été blessant pour elle de voir un empereur germanique à côté de son royaume qui comprenait un bon tiers des populations allemandes. Avec un grand instinct de la situation, M. de Metternich sentit que désormais l’Autriche, en se réservant une haute direction sur l’Allemagne, devait tendre à devenir une souveraineté toute méridionale, ayant sa tête en Gallicie, son extrémité en Dalmatie, puis embrassant ce royaume lombardo-vénitien, une de ses richesses et le plus beau de ses joyaux. Préoccupé de cette nouvelle destinée de la maison d’Autriche, M. de Metternich porta cette idée dans le congrès de Vienne, alors qu’il s’agit de fixer sur des bases générales le nouvel établissement de l’Europe.

À ce congrès où présida en quelque sorte M. de Metternich, des intérêts d’une nature diverse vinrent s’agiter et briser la coalition. L’empereur François avait fait des sacrifices de famille, en abandonnant la cause de Marie-Louise ; l’Autriche avait prêté un secours si actif à la coalition, que, pour rendre hommage à cette conduite, l’Europe fixa la tenue d’un congrès à Vienne. C’est là que durent se rendre les souverains, les ambassadeurs, qui allaient, au milieu des fêtes, des distractions et des galas, reconstruire l’Europe sur de nouvelles bases. On semait de plaisirs et de fleurs ces longues conférences où se décidait le sort des nations. Jamais le prince de Metternich ne fut plus brillant qu’à cette époque ; il avait atteint sa quarante-unième année, et il voyait s’accomplir l’œuvre de ses soucis et de ses pensées. Vienne offrait le plus riche spectacle. Les souverains y étaient réunis, et avec eux, vingt-deux chefs de maisons princières, avec leur famille, leur cour et leur suite nombreuse ; les intrigues d’amour le disputaient