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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

ou supposée telle. Celle-là était demeurée intacte ; personne n’avait osé entreprendre de la déchiffrer.

C’est ici que nous verrons Thomas Young déclarer d’abord, comme par une sorte d’inspiration, que dans la multitude des signes sculptés sur la pierre et représentant soit des animaux entiers, soit des êtres fantastiques, soit encore des instrumens et des produits des arts ou des formes géométriques, ceux de ces signes qui se trouvent renfermés dans des encadremens elliptiques, correspondent aux noms propres de l’inscription grecque ; en particulier, au nom de Ptolémée, le seul qui dans la transcription hiéroglyphique soit resté intact. Immédiatement après, Young dira que, dans le cas spécial de l’encadrement ou cartouche, les signes ne représentent plus des idées, mais des sons ; enfin, il cherchera, par une analyse minutieuse et très délicate, à assigner un hiéroglyphe individuel à chacun des sons que l’oreille entend dans le nom de Ptolémée de la pierre de Rosette, et dans celui de Bérénice d’un autre monument.

Voilà, si je ne me trompe, dans les recherches d’Young sur les systèmes graphiques des Égyptiens, les trois points culminans. Personne, a-t-on dit, ne les avait aperçus, ou du moins ne les avait signalés, avant le physicien anglais. Cette opinion, quoique généralement admise, me paraît contestable. Il est, en effet, certain que, dès l’année 1766, M. de Guignes, dans un mémoire imprimé, avait indiqué les cartouches des inscriptions égyptiennes comme renfermant tous des noms propres. Chacun peut voir aussi, dans le même travail, les argumens dont s’étaie ce savant orientaliste, pour établir l’opinion qu’il avait embrassée sur la nature constamment phonétique des hiéroglyphes égyptiens. Young a donc la priorité sur un seul point : c’est à lui que remonte la première tentative qui ait été faite pour décomposer en lettres les groupes des cartouches, pour donner une valeur phonétique aux hiéroglyphes composant, dans la pierre de Rosette, le nom de Ptolémée.

Dans cette recherche, comme on peut s’y attendre, Young fournira de nouvelles preuves de son immense pénétration ; mais, égaré par un faux système, ses efforts n’auront pas un plein succès. Ainsi, quelquefois, il attribuera aux caractères hiéroglyphiques une valeur simplement alphabétique ; plus loin, il leur donnera une valeur syllabique ou même dissyllabique, sans s’inquiéter de ce qu’il y aurait d’étrange dans ce mélange de caractères de natures différentes. Le fragment d’alphabet publié par le docteur Young, renferme donc du vrai et du faux ; mais le faux y abonde tellement, qu’il sera impossible d’appli-