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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

de quelques légères nuances de bleu et de vert, à peine sensibles, qu’à travers de grandes épaisseurs. Je demanderais ensuite ce qu’on penserait de sa véracité s’il venait, sans autre explication, annoncer que, cette eau si limpide, il peut à volonté lui communiquer les couleurs les plus resplendissantes ; qu’il sait la rendre violette, bleue, verte ; qu’il sait la rendre jaune comme l’écorce du citron, rouge comme l’écarlate, sans pour cela altérer sa pureté, sans la mêler à aucune substance étrangère, sans changer les proportions de ses principes constituans gazeux. Le public ne regarderait-il pas notre physicien comme indigne de toute croyance, si, après d’aussi étranges résultats, il ajoutait que, pour engendrer la couleur dans l’eau, il suffit de l’amener à l’état d’une véritable pellicule ; que mince est, pour ainsi dire, synonyme de coloré ; que le passage de chaque teinte à la teinte la plus différente est la conséquence nécessaire, inévitable, d’une simple variation d’épaisseur de la lame liquide ; que cette variation, dans le passage du rouge au vert, par exemple, n’est pas la millième partie de l’épaisseur d’un cheveu ! Eh bien ! ces incroyables résultats ne sont cependant que les conséquences inévitables des accidens de coloration présentés par les bulles liquides soufflées et même par les lames minces de toutes sortes de corps.

Pour comprendre comment de tels phénomènes, pendant plus de vingt siècles, ont journellement frappé les yeux des physiciens sans exciter leur attention, on a vraiment besoin de rappeler à combien peu de personnes la nature départit la précieuse faculté de s’étonner à propos.

Boyle pénétra le premier dans cette mine féconde. Il se borna toutefois à la description minutieuse des circonstances variées qui donnent naissance aux iris. Hooke, son collaborateur, alla plus loin. Il crut trouver la cause de ce genre de couleurs dans les entrecroisemens des rayons, ou, pour parler son propre langage, dans les entrecroisemens des ondes réfléchies par les deux surfaces de la lame mince. C’était, comme on verra, un trait de génie ; mais il ne pouvait être saisi à une époque où la nature complexe de la lumière blanche était encore ignorée.

Newton fit, des couleurs des lames minces, l’objet de son étude de prédilection. Il leur consacra un livre tout entier de son célèbre traité d’optique ; il établit les lois de leur formation par un enchaînement admirable d’expériences que personne n’a surpassé depuis. En éclairant avec de la lumière homogène les iris si réguliers dont Hooke avait déjà fait mention, et qui naissent autour du point de contact de deux verres