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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

L’un, anatomiste consommé, l’autre, le plus célèbre artiste dont l’Angleterre puisse se glorifier, présentèrent à la Société royale un mémoire, fruit de leurs efforts combinés, et destiné à établir l’inaltérabilité complète de la forme du cristallin. Le monde savant aurait difficilement admis que sir Everard Home et Ramsden réunis eussent pu faire des expériences inexactes, qu’ils se fussent trompés dans des mesures micrométriques. Young lui-même ne le crut point ; aussi n’hésita-t-il pas à renoncer publiquement à sa théorie. Cet empressement à se reconnaître vaincu, si rare dans un jeune homme de vingt-cinq ans, si rare surtout à l’occasion d’une première publication, était ici un acte de modestie sans exemple. Young, en effet, n’avait rien à rétracter. En 1800, après avoir retiré son désaveu, il développa de nouveau la théorie de la déformation du cristallin, dans un mémoire auquel, depuis, on n’a pas fait d’objection sérieuse.

Rien de plus simple que son argumentation ; rien de plus ingénieux que ses expériences. Young élimine d’abord l’hypothèse d’une variation de courbure dans la cornée, à l’aide d’observations microscopiques qui auraient rendu les plus petites variations appréciables. Disons mieux : il place l’œil dans des conditions particulières où les changemens de courbure seraient sans nul effet ; il le plonge dans l’eau, et prouve qu’alors même la faculté de voir à diverses distances persiste en son entier.

La seconde des trois suppositions possibles, celle d’une altération dans les dimensions de l’organe, est ensuite renversée par un ensemble d’objections et d’expériences auxquelles il serait difficile de résister.

Le problème semblait irrévocablement résolu. Qui ne comprend, en effet, que si, de trois solutions possibles, deux sont écartées, la troisième devient nécessaire ; que le rayon de courbure de la cornée et le diamètre longitudinal de l’œil étant inaltérables, il faut bien que la forme du cristallin puisse varier. Young, toutefois, ne s’arrête pas là ; il prouve directement, par de subtils phénomènes de déformation des images, que le cristallin change réellement de courbure ; il invente, ou du moins il perfectionne un instrument susceptible d’être employé par les personnes les moins intelligentes, les moins habituées à des expériences délicates ; et, armé de ce nouveau moyen d’investigation, il s’assure que tous les hommes chez lesquels manque le cristallin à la suite de l’opération de la cataracte, ne jouissent plus de la faculté de voir nettement à différentes distances.

On peut véritablement s’étonner que cette admirable théorie de la