Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/746

Cette page a été validée par deux contributeurs.
740
REVUE DES DEUX MONDES.

« J’entends, monsieur ; vous aimez les lettres, et vous voulez leur appartenir tout entier ; je n’ai rien à opposer à cette résolution. Oui ! moi-même, pensez-vous que si je n’étais pas devenu général en chef et l’instrument du sort d’un grand peuple, j’aurais couru les bureaux et les salons pour me mettre dans la dépendance de qui que ce fût, en qualité de ministre ou d’ambassadeur ? Non, non ! je me serais jeté dans l’étude des sciences exactes, j’aurais fait mon chemin dans la route des Galilée, des Newton ; et puisque j’ai réussi constamment dans mes grandes entreprises, eh bien ! je me serais hautement distingué aussi par des travaux scientifiques ; j’aurais laissé le souvenir de belles découvertes : aucune autre gloire n’aurait pu tenter mon ambition ! »

Young fit choix de la carrière de la médecine dans laquelle il espérait trouver la fortune et l’indépendance. Ses études médicales commencèrent à Londres sous Baillie et Cruickshank ; il les continua à Édimbourg où brillaient alors les docteurs Black, Munro et Gregory, mais ce fut seulement à Gœttingue que, dans l’année suivante (1795), il prit son grade de docteur. Avant de se soumettre à cette formalité si vaine, et, toutefois, si impérieusement exigée, Young, à peine sorti de l’adolescence, s’était déjà révélé au monde scientifique par une note relative à la gomme Ladanum, par la polémique qu’il avait soutenue contre le docteur Beddoës au sujet de la théorie de Crawford sur le calorique ; par un mémoire concernant les habitudes des araignées et le système de Fabricius, le tout enrichi de recherches d’érudition ; enfin, par un travail sur lequel j’insisterai davantage à cause de son grand mérite, de la faveur inusitée dont il fut l’objet en naissant, et de l’oubli dans lequel on l’a laissé depuis.

La Société royale de Londres jouit, dans toute l’étendue des trois royaumes, d’une considération immense et méritée. Les Transactions philosophiques qu’elle publie sont, depuis plus d’un siècle et demi, les glorieuses archives où le génie britannique tient à honneur de déposer ses titres à la reconnaissance de la postérité. Le désir de voir inscrire son nom dans la liste des collaborateurs de ce recueil vraiment national, à la suite des noms de Newton, de Bradley, de Priestley, de Cavendish, a toujours été parmi les étudians des célèbres universités de Cambridge, d’Oxford, d’Édimbourg, de Dublin, le plus vif comme le plus légitime sujet d’émulation. Là, toutefois, est le dernier terme de l’ambition de l’homme de science ; il n’y aspire qu’à l’occasion de quelque travail capital, et les premiers essais de sa jeunesse arrivent au public par une voie mieux assortie à leur importance, à l’aide d’une de ces nombreuses Revues qui, chez nos voisins, ont tant contribué