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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

l’un de ces voyages, Young rencontra un professeur digne de lui. Il fut initié à la chimie par le docteur Higgins, dont je puis d’autant moins me dispenser de prononcer ici le nom, que, malgré ses réclamations vives et nombreuses, on s’est obstiné à ne pas reconnaître la part qui lui revient légitimement dans la théorie des proportions définies, l’une des plus belles acquisitions de la chimie moderne.

Le docteur Brocklesby, oncle maternel d’Young, et l’un des médecins les plus répandus de Londres, justement fier des éclatans succès du jeune écolier, communiquait parfois ses compositions aux savans, aux littérateurs, aux hommes du monde, dont l’approbation pouvait le plus flatter sa vanité. Young se trouva ainsi, de très bonne heure, en relation personnelle avec les célèbres Burke et Windham de la chambre des communes, et avec le duc de Richmond. Ce dernier, alors grand-maître de l’artillerie, lui offrit la place de secrétaire assistant. Les deux autres hommes d’état, quoiqu’ils désirassent aussi l’attacher à la carrière administrative, lui recommandaient d’aller d’abord à Cambridge suivre un cours de droit. Avec d’aussi puissans patrons, Young pouvait compter sur un de ces emplois lucratifs dont les personnages en crédit ne sont jamais avares envers ceux qui les dispensent de toute étude, de toute application, et leur fournissent journellement les moyens de briller à la cour, au conseil, à la tribune, sans jamais compromettre leur vanité par quelque indiscrétion. Young avait, heureusement, la conscience de ses forces ; il sentait en lui le germe des brillantes découvertes qui, depuis, ont illustré son nom ; il préféra la carrière laborieuse, mais indépendante, d’homme de lettres aux chaînes dorées qu’on faisait briller à ses yeux. Honneur lui soit rendu ! Que son exemple serve de leçon à tant de jeunes gens que l’autorité détourne de leur noble vocation pour les transformer en bureaucrates ; que, semblables à Young, les yeux tournés vers l’avenir, ils ne sacrifient pas à la futile et d’ailleurs bien passagère satisfaction d’être entourés de solliciteurs, les témoignages d’estime et de reconnaissance dont le public manque rarement de payer les travaux intellectuels d’un ordre élevé ; et s’il arrivait que, dans les illusions de l’inexpérience, ils trouvassent qu’on leur prescrit un trop lourd sacrifice, nous leur demanderions de recevoir une leçon d’ambition de la bouche du grand capitaine dont l’ambition ne connut pas de bornes ; de méditer ces paroles que le premier consul, que le vainqueur de Marengo, adressait à l’un de nos plus honorables collègues (M. Lemercier) le jour où celui-ci, fort coutumier du fait, venait de refuser une place alors très importante, celle de conseiller d’état :