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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

distances et les élévations des objets inaccessibles, frappaient vivement son imagination ; mais bientôt quelques chapitres d’un dictionnaire de mathématiques firent disparaître tout ce qu’elles semblaient avoir de mystérieux. À partir de ce moment, dans les promenades du dimanche, le quart de cercle remplaça le cerf-volant. Le soir, par voie de délassement, l’apprenti ingénieur calculait les hauteurs mesurées dans la matinée.

De neuf à quatorze ans, Young demeura à Compton, dans le comté de Dorset, chez un professeur Thomson, dont la mémoire lui fut toujours chère. Pendant ces cinq années, tous les élèves de la pension s’occupèrent exclusivement, suivant les habitudes des écoles anglaises, d’une étude minutieuse des principaux écrivains de la Grèce et de Rome. Young se maintint toujours au premier rang de sa classe, et cependant il apprit, dans le même intervalle, le français, l’italien, l’hébreu, le persan et l’arabe ; le français et l’italien, par occasion, afin de satisfaire la curiosité d’un camarade qui avait en sa possession plusieurs ouvrages imprimés à Paris, dont il désirait savoir le contenu ; l’hébreu, pour lire la Bible dans l’original ; le persan et l’arabe, dans la vue de décider cette question qu’une conversation de réfectoire avait soulevée ; Y a-t-il entre les langues orientales des différences aussi tranchées qu’entre les langues européennes ?

Je sens le besoin d’avertir que j’écris sur des documens authentiques, avant d’ajouter que, pendant qu’il faisait de si fabuleux progrès dans les langues, Young, durant ses promenades autour de Compton, s’était pris d’une vive passion pour la botanique ; que, dépourvu des moyens de grossissement dont les naturalistes font usage quand ils veulent examiner les parties les plus délicates des plantes, il entreprit de construire lui-même un microscope, sans autre guide qu’une description de cet instrument, donnée par Benjamin Martin ; que, pour arriver à ce difficile résultat, il dut acquérir d’abord beaucoup de dextérité dans l’art du tourneur ; que les formules algébriques de l’opticien lui ayant présenté des symboles dont il n’avait aucune idée (des symboles de fluxions), il fut un moment dans une grande perplexité ; mais que ne voulant pas enfin renoncer à grossir ses pistils et ses étamines, il trouva plus simple d’apprendre le calcul différentiel pour comprendre la malencontreuse formule, que d’envoyer à la ville voisine acheter un microscope.

La brûlante activité du jeune Young lui avait fait dépasser les bornes des forces humaines. À quatorze ans, sa santé fut gravement altérée. Divers indices firent même craindre une maladie du poumon ; mais ces