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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

ne plut pas à M. Zéa ; M. Zéa, comme tous ses confrères, craignit d’être entraîné ; à peine en route, il voulut déjà enrayer. Il publia dès son arrivée une proclamation magistrale, ambiguë, où il acceptait presque l’héritage de Calomarde ; il voulait bien une réforme, mais il usait de tant de restrictions, il faisait tant de réserves, qu’à force d’atténuer l’espérance, il la tuait. Ce fut un mécompte amer pour le parti constitutionnel ; pourtant il avait encore foi dans la reine, et puis on pouvait croire que les ambiguités de M. Zéa n’étaient que des concessions nécessaires faites à Ferdinand pour ne pas trop effaroucher la bête. Le roi mort, pensait-on, et cela ne pouvait tarder, M. Zéa aura ses allures franches ; débarrassé de cette entrave, il pourra marcher librement, et alors on verra. Sa rentrée au ministère[1] n’en était pas moins une victoire et un progrès.

Cependant Ferdinand ne voulait pas mourir ; il ressuscita même tout-à-fait, et si bien, qu’il reprit la direction des affaires dès les premiers jours de 1833 (4 janvier) ; il est vrai qu’il s’associa la reine en lui donnant place dans le conseil. À peine admise au sanctuaire, Christine trouva, dans M. Zéa, moins un auxiliaire qu’un rival. Il la trouvait trop aventureuse, ce qui était vrai dans l’intérêt de la monarchie pure ; il voulait plus de circonspection, plus de lenteur. Cela n’était guère selon les vœux de l’Espagne et ses espérances ; mais ce qui soutenait encore M. Zéa dans l’opinion publique, c’est qu’en même temps qu’il faisait une guerre occulte aux idées de la réforme, il en faisait une ouverte et bien avouée au parti apostolique, intronisant ainsi au-delà des Pyrénées ce système de bascule que nous verrons se transformer plus tard en juste-milieu pur.

La démarche la plus hardie de M. Zéa fut l’exil de don Carlos. La présence de l’infant était, pour le parti monacal, un éternel sujet d’espérance, un foyer toujours ardent d’hostilités intestines et d’incessantes intrigues. Don Carlos obtint de Ferdinand la permission de passer en Portugal ; et le 13 mars, il quitta Madrid pour n’y plus rentrer. Ce fut là le plus beau triomphe de M. Zéa.

  1. M. Zéa avait déjà été ministre avec Calomarde, mais il avait été renvoyé comme trop libéral, et remplacé par le duc de l’Infantado, connu pour ne l’être pas du tout.