Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/724

Cette page a été validée par deux contributeurs.
718
REVUE DES DEUX MONDES.


son salut et le salut de la monarchie dans ces mêmes hommes qu’on fusillait sur les Pyrénées.

La naissance d’un fils eût ôté tout prétexte de révolte aux apostoliques ; ils auraient bien pu disputer à Christine la régence, troubler la minorité ; mais ils auraient tout au plus réussi à faire une petite Fronde de couvent. Il y a loin de là à la lutte de principes dont la réalisation de la pragmatique du 29 mars a été la cause, lutte qui a successivement rouvert aux bannis, d’abord leurs foyers, puis les cortès, puis enfin les ministères ; et tout cela pourtant parce qu’il est né une fille au lieu d’un fils. Niez maintenant que la Providence, qui a su tirer d’un si petit évènement de si grandes choses, niez qu’elle ne soit du côté de la démocratie. Elle veut son triomphe, elle l’a résolu ; les rois même ne sont plus dans sa main qu’un instrument pour accomplir son œuvre. Ce sont ces grandes péripéties qu’on pourrait appeler le haut comique de l’histoire.

Cependant le drame se complique ; voilà Ferdinand entre deux ennemis : le parti constitutionnel représenté alors par Mina, le parti apostolique représenté par don Carlos. Celui-ci se tint assez tranquille pendant l’année 1831 ; la révolution de juillet ne l’avait pas moins effrayé que Ferdinand, car leurs intérêts en cela étaient communs et ils étaient menacés tous les deux. Il n’en fut pas de même du parti constitutionnel ; ce qui pour ses ennemis était un sujet d’effroi était pour lui un sujet d’espérance, et l’année entière ne fut qu’une longue révolte. Le champ de bataille seulement fut déplacé ; on le transporta du nord au midi. Dès le mois de janvier, le général Torrijos, réfugié à Gibraltar, avait tenté une expédition qui cette fois n’avait pas abouti. Dans le même temps, Manzanarès échoua dans les montagnes d’Andalousie. Il y eut à l’île de

    jusqu’à la brutalité. Lacy fut fusillé malgré les représentations de Castaños au roi, et Llauder, qui n’avait été jusque-là qu’un officier subalterne, fut porté par la faveur royale aux premiers grades de l’armée. Le corps de son intrépide et généreux protecteur fut le premier échelon de sa fortune. Cela se passait en 1817. Deux ans auparavant, en 1815, un autre martyr, le général don Juan-Diaz Porlier, avait été pendu à la Corogne, pour le même crime que Lacy. L’année suivante ç’avait été le tour de Richard, à Madrid. Puis vint celui de Vidal, à Valence (1818). Mais nous allons en voir bien d’autres.