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du despotisme au profit de la liberté. Malédictions inutiles ! regrets tardifs et superflus ! Le premier pas fait, il a fallu suivre, il n’a plus été possible de se rejeter en arrière. Jamais plus grande leçon ne fut donnée aux princes par la Providence, car jamais la Providence n’a plus visiblement tourné contre eux-mêmes leurs plans d’égoïsme et d’ambition. Mais n’anticipons pas sur les évènemens, laissons-les se dérouler dans leur ordre naturel ; l’enseignement ici naît de la succession.

Avant de poursuivre, qu’il nous soit permis, à propos des diverses modifications faites à la constitution de la monarchie espa-

    l’éprouver, de prendre Isaac, son unique fils, qu’il aimait beaucoup, et de l’immoler par amour pour lui, et il dit cela pour deux raisons : la première, parce que celui-là était le fils qu’il aimait comme lui-même, par les raisons que nous avons dites plus haut ; et la seconde, parce que Dieu l’avait choisi pour saint, lorsqu’il voulut qu’il naquît le premier ; et c’est pour cela qu’il lui en fit le sacrifice, car d’après ce qu’il dit à Moïse dans la loi ancienne : Tout mâle qui naîtra le premier sera chose sainte de Dieu. Que ses frères doivent le regarder comme leur père, c’est ce qui se démontre aisément, car il est plus âgé qu’eux, et il est venu le premier au monde. Qu’ils doivent lui obéir comme à leur seigneur, c’est ce qui est prouvé par les paroles qu’Isaac dit à Jacob son fils, lorsqu’il lui donna sa bénédiction, croyant qu’il était l’aîné : Tu seras seigneur de tes frères, et les enfans de ton père se tourneront vers toi, et celui que tu béniras sera béni, et celui que tu maudiras, la malédiction tombera sur lui. Ainsi donc, par toutes ces paroles, on donne à entendre que le fils aîné a le pouvoir sur ses autres frères, comme père et seigneur, et qu’ils doivent le regarder comme tel. De plus, d’après l’ancienne coutume, les pères, ayant communément pitié des autres enfans, ne voulurent pas que l’aîné eût tout, mais que chacun d’eux eût sa part ; néanmoins les hommes savans dans les affaires de succession, ont reconnu que la répartition ne pouvait pas avoir lieu en ce qui concerne les royaumes, à moins de vouloir les détruire, d’après ce que dit notre Seigneur Jésus-Christ, que tout royaume partagé serait ravagé, et ont établi que la seigneurie ou royaume doit échoir uniquement au fils aîné après la mort de son père. Et cela a toujours été en usage dans tous les pays du monde où l’on eut la seigneurie par lignage, et particulièrement en Espagne. C’est afin d’éviter plusieurs maux qui arrivèrent et qui pourraient encore arriver, qu’on fut d’avis que la seigneurie du royaume serait toujours l’héritage de ceux qui viendraient en ligne droite ; et c’est pour cette raison qu’on établit que, s’il n’y avait pas d’enfans mâles, la fille aînée hériterait du royaume ; et on ordonna encore que, si le fils aîné venait à mourir