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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

ne se faisait pas faute de créer sans eux de nouveaux impôts, selon le caprice ou le besoin du moment.

C’est dans ce honteux état d’humiliation que les cortès se traînèrent pendant trois siècles. Mais tel est l’attachement du peuple espagnol à ses coutumes, qu’on n’osa jamais les supprimer, même dans l’âge d’or du despotisme autrichien. On les convoquait dans les grandes occasions, et la couronne avait l’air encore de rechercher leur concours, alors qu’elle leur dictait impérieusement la loi ; mais enfin c’était une reconnaissance tacite de l’institution, et, si dérisoire qu’elle fût, elle servait au moins à conserver la tradition et à la perpétuer. La convocation des cortès de 1713 fut un des derniers hommages rendus par la couronne à l’antique forme représentative. Philippe v n’osa pas assumer sur lui tout seul la responsabilité de la mutilation arbitraire qu’il se permettait d’infliger à la constitution du royaume ; il appela les cortès à la partager avec lui.

Ainsi donc l’objection subsiste, et, la loi salique déclarée loi de l’état par la représentation nationale, ou du moins son ombre, Ferdinand vii n’avait pas le droit de la supprimer par ordonnance. Aussi n’en fit-il rien. On exhiba des archives une pragmatique de Charles iv qui abolissait formellement la loi salique et rétablissait l’ancienne succession castillane. Cette pragmatique avait été, dit-on, portée à la requête des dernières cortès de 1789, et tenue secrète pendant quarante ans. Ainsi le coup d’état de 1830 perdait son caractère d’illégalité, il acquérait l’autorité de loi nationale. La pragmatique de Charles iv est contenue en entier dans le décret du 29 mars ; Ferdinand n’y affiche point l’intention d’innover. Il se fait le simple exécuteur de la loi ; ce qui, alors, ne manquait pas d’une certaine adresse[1].

  1. Nous insérons ici en entier le texte de la pragmatique sanction ; c’est un document curieux ; il servira à faire connaître les formes sacro-politiques du droit espagnol, aux beaux jours de la monarchie.

    Don Ferdinand vii, par la grâce de Dieu, roi de Castille, de Léon, etc.

    « Aux infans d’Espagne, prélats, ducs, marquis, comtes, ricos-hombres, prieurs, commandeurs et sous-commandeurs des ordres, gouverneurs des châteaux et maisons fortes, aux membres de mes conseils, aux présidens et aux membres de mes tribunaux, aux corrégidors,