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Périer, qui s’était placé en observateur sur le fauteuil du président de la chambre, voyait, avec une secrète joie, le moment où son vieux compétiteur de la chambre et de la banque serait encore une fois contraint de lui abandonner la première place.

M. Laffitte avait encore d’autres soucis qu’il ne disait pas. Ce n’était pas assez que le désordre et le discrédit s’attachassent à son administration, une main qu’il cherchait à ne pas reconnaître semblait tout brouiller autour de lui. Il était évident qu’on se cachait de lui, et que des affaires très importantes se traitaient ailleurs que dans le cabinet du président du conseil. Je vous ai conté, dans une de mes lettres, l’histoire de la dépêche remise directement au roi par M. Sébastiani. Cette circonstance n’ouvrit pas les yeux à M. Laffitte, il savait trop bien ce qu’il en était ; mais elle lui fournit un prétexte d’offrir sa démission, et il ne la fit pas attendre.

Deux jours avant cet incident, M. Thiers était venu trouver M. Laffitte et l’avait prié de faire agréer au roi sa démission de sous-secrétaire d’état des finances. Ce même jour, M. Thiers avait eu soin de faire annoncer sa retraite par les journaux. Les hirondelles ont le précieux don et la divine prévoyance de s’envoler à tire-d’ailes des édifices qui menacent de s’écrouler.

Un mois auparavant, M. Thiers avait déjà offert sa démission, mais par un plus louable motif.

Je ne sais si vous voudrez bien le reconnaître, monsieur, mais je crois vous avoir dit sans amertume les défauts du caractère politique de M. Thiers, et vous avoir exposé, sans envie, ses brillantes qualités. Un de ces défauts a dû lui causer d’amers regrets, je veux parler du cynisme de ses discours, qui le firent accuser d’actions que je n’hésite pas à déclarer indignes de son caractère. Pendant le court ministère de M. Laffitte, ces accusations le poursuivirent presque chaque jour ; chaque matin les feuilles légères lui lançaient, d’une manière détournée, des soupçons mille fois plus terribles que des accusations directes. Souvent les journaux politiques exposaient ces soupçons sous la forme du doute, et comme pour inviter le jeune fonctionnaire à s’en laver. Ces attaques publiques voulaient une réponse publique aussi, et cette réponse ne venait pas, au grand déplaisir de la chambre, qui voyait le minis-