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n’était-elle pas une vraie royauté, sans ses abus, et aussi une véritable république sans ses orages ; une république avec ses mouvemens, ses passions, ses éclats d’éloquence, ses élévations, ses chutes subites, mais tout cela avec des formes plus belles ; une république où les César se nommaient Chatam, Pitt, Canning, où ils arrivaient, non à la tête des armées, mais à la tête des majorités, où on ne les poignardait pas, mais où on les envoyait à la chambre des pairs ; république où le génie s’élevait sans usurper, sans périr, sans bouleverser l’état ; monarchie où la vérité se faisait jour, où le cœur humain s’agitait, se satisfaisait, et où cependant régnait l’ordre ! —

Tout en s’attachant ainsi à la monarchie telle que les Bourbons l’avaient promise, tout en faisant valoir ses avantages sans nombre, chaque jour aussi M. Thiers comptait et étalait les armes que la charte fournissait à ses défenseurs contre ceux qui voulaient la détruire. La tribune d’abord, puis la presse, puis les colléges électoraux, puis la résistance légale, le refus du budget, le refus de l’impôt ensuite ; et enfin, M. Thiers le disait en termes assez clairs, l’émeute, l’insurrection, la guerre ! En même temps, M. Thiers frappait sans relâche sur tous les actes du gouvernement. Autant qu’il était en lui, il lui suscitait partout des entraves. On ne peut se figurer la violence et la fureur de ses attaques, qui se portaient sur tout sans distinction. Au nombre des avantages de la monarchie, M. Thiers avait placé l’inviolabilité du monarque ; mais quand M. Thiers voulait frapper fort, ne pensez pas qu’il s’abstenait de menaces et de déclamations contre la puissance de Charles x. M. Thiers exprime aujourd’hui tout son mépris pour la presse, quand elle tend, par des insinuations, à diviser le ministère ; mais M. Thiers n’avait pas alors une autre tactique, et sans cesse il cherche à isoler M. de Polignac de ses collègues. M. Thiers s’irrite aujourd’hui violemment contre les écrivains qui osent soupçonner les ministres de méditer des projets contre la charte ; mais M. de Polignac n’avait délivré de son autorité privée aucun prisonnier d’état, il n’avait pas mis Paris en état de siége, il n’avait changé ni la loi du jury, ni la loi de la presse, quand M. Thiers l’accusait hautement de vouloir renverser la constitution, et criait au pays de dérouiller ses armes et de s’apprêter à se